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1 janvier 2019 2 01 /01 /janvier /2019 19:00

Devant la mine soucieuse du roi, les échevins s’inquiètent. A tout le moins, c’est la nourriture qui est en cause. Les mets sont pourtant excellents et les vins, provenant des côtes de la Meuse, le sont tout autant. Dans ce banquet organisé pour l’occasion, chacun semble prendre un peu de plaisir. Mais le roi demeure impassible. Il triture du bout de son couteau les viandes rôties et les légumes qui baignent dans la sauce épicée. Les échevins redoutent quelque mauvais coup.

 

Ils n’ont pourtant, pensent-ils, aucune raison de craindre cela du roi. Tout ce que ce dernier voulait, il l’a obtenu. A présent, il mâchonne un bout de viande que, de la pointe de son couteau, il a extirpé négligemment de son assiette. Il préside, mais son air absent ôte toute solennité à l’instant. Quelques heures auparavant, Toul s’est officiellement rangé du côté du roi de France. La ville a tourné le dos à l’est et regarde maintenant vers l’ouest. Et pourtant le roi est sombre.

Les bras ouverts
Les bras ouverts

Au moment où l’un des échevins se décide à montrer de l’intérêt pour l’humeur maussade d’Henri, une première délégation entre dans la salle. Ce sont les députés des bourgeois de la cité qui viennent demander la garantie de leurs privilèges. Après eux viendront de nombreuses délégations, issues de toutes les corporations, de toutes les espèces d’association auxquelles le pouvoir impérial avait concédé ou préservé des avantages. Le roi s’est redressé et, de son regard perçant, il scrute les requérants.

Les bras ouverts
Les bras ouverts

Les hommes parlent fort pour bien se faire entendre du roi. Pourtant, dès que le visage du roi marque quelque contrariété, ou que son regard, subitement, se détourne pour quelques secondes, ces hommes se font humbles. Ils baissent la voix, hésitent, trébuchent sur les mots. Ils disent sire à chaque phrase, comme pour stimuler à nouveau l’attention du souverain. Et, quand il les regarde à nouveau, ils reprennent leurs airs audacieux et confiants.

Les bras ouverts
Les bras ouverts

Tandis qu’on palabre, nul ne peut effacer de son esprit l’image d’Henri entrant en souverain dans la cité. La mise en scène a impressionné la population, déjà vivement émue par la présence devant les murs d’une armée considérable d’hommes en armes, de chevaux cuirassés mais aussi de cuisiniers en marmites et tabliers, de juristes en livres à peine froissés, de financiers aux billets à peine empruntés. Comme si une ville nouvelle était née devant Toul, un campement avait crû et maintenant menaçait.

Les bras ouverts
Les bras ouverts

La vieille ville-évêché connaît les prétentions du Français. Les échevins savent quel monde nouveau apparaît, quelles puissances formidables les entourent et les convoitent. Ils regrettent sûrement le vieux monde, l’équilibre d’autrefois, les rivalités locales, la puissance perdue. Ils jalousent cette armée formidable devant leurs murs apparue, mais ils n’ont d’autre choix que de se taire. Sur la route d’Allemagne, les Toulois sont déjà Français.

Les bras ouverts
Les bras ouverts

Ils taisent leurs dissidences d’autant plus qu’ils n’ont opposé aucune résistance. A peine les rumeurs des armes cliquetantes leur étaient parvenues que déjà, auprès du futur maître, on dépêchait des messagers. Sans un regard entre eux, sans un mot qui aurait consacré leur abandon, les échevins ont offert la cité. Et Henri, qui a toujours le regard sombre, a pris ce fruit mûr d’une main négligente. Car le roi le sait : son voyage de conquête ne fait que commencer.

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