Le soleil se lève sur le Chott-el-Jerid. Il se montre, timide, rougoie à peine, déclinant déjà le ciel en des teintes brillantes et modérées à la fois. Le ciel s'étire, étendant ses lumières comme il étendrait ses muscles, grappillant sur la nuit qui disparaît son royaume quotidien.
Les reflets miroitent dans le lac salé, imperturbable et solitaire. L'asphalte longiligne lui-même accueille paresseusement ces rayons divins. Sensibilité extrême d'un moment trop fugace pour se laisser apprivoiser ; la clarté gagne du terrain et s'immisce sur les moindres parcelles de sable et de sel, mêlés étroitement dans leur attente commune.
La route est déserte. Mais est-ce là vraiment étonnant, quand l'horizon, tant immédiat que lointain, n'offre à nos regards que l'immense vacuité des contrées par trop excessives. Quelques pas, un souffle de vent discret, un soleil en majesté. Les eaux du lac s'habillent de nuances rosées. Au loin, à des distances qu'on ne peut réellement apprécier, un mur de montagnes se dresse, clôturant au moins d'un côté un champ de vision laissé absolument libre.
Des dromadaires hagards mâchent et remâchent leurs portions de foin. Sur le bord de la route, une borne qui semble indiquer que l'homme s'est invité dans ce théâtre des solitudes. Puis la route reprend, défile sous nos yeux, offre humblement des coloris prudents. Vert, rose, rouge, jaune, orangé, blanc : aucun ne prétend à la prééminence. Tous s'effacent pour que se compose le plus beau des tableaux, celui de la puissance naturelle.
La végétation reparaît enfin. Sage tout d'abord, puis tout à fait insouciante. Les touffes insignifiantes cèdent la place aux palmeraies luxuriantes. La ville, anonyme, vient terminer cette procession rêveuse. Les maisons modestes succèdent aux commerces endormis. Les hommes, comme le ciel avant eux, retrouvent leurs esprits et s'apprêtent énergiquement. La vie reprend, à l'ombre des minarets.
Tozeur est prête pour une nouvelle journée de labeur. Nous partons à la découverte fascinante de ce sud tunisien, charmeur et charmant, discret et éclatant. Quelques minutes encore et le désert de sable se montrera. Une question de temps finalement qui peut paraître bien futile quand les instants sont éternels.