Au pays de Rabelais, de Balzac et de Vigny, art et profusion vont de pair. Par touches successives, rois et princes ont composé un tableau bucolique alliant la terre et la pierre. Tableau pastoral qui s’arrête ici, car à Villandry, les jardins n’ont point choisi d’être ordonné comme il suit.
De corps imposant, le château est d’une masse imposante et sculptée. Une symétrie se devine entre le tuffeau pâle et l’ardoise sombre, que souligne encore le rythme strict des ouvertures. Les pignons déploient leurs fines baguettes, suspendues au-dessus de la cour, allégeant à l’aide des arcades la dignité du palais. A l’extrémité, la tour crénelée est le vestige qu’on dirait anachronique d’un passé plus guerrier.
Les intérieurs révèlent un goût teinté de classicisme et d’esprit bourgeois. Les couleurs vives font écho aux pétales du dehors, et la noblesse du mobilier n’a d’égal que dans l’ordonnancement des parterres. Les essences de bois s’acclimatent en parquets parfaits, brillants jusqu’à illuminer les fins tissus qui tombent en rideaux voluptueux ou s’égayent en dossiers délicieux.
Où que les pas portent, d’ibères regards surveillent les allers-retours dans les couloirs. Tantôt un nain, tantôt une madone pose des yeux curieux ou bien alanguis sur ces riches enfilades. D’exotisme le château ne manque pas, car de sa péninsule le mécène ramena les influences andalouses en une marqueterie d’arabesques et d’étoiles.
Là où d’autres auraient leurs trésors caché, Villandry laisse aux siens la liberté. Oubliant l’anglaise, les jardins se rangent en géométries françaises. Labyrinthe sûr où Thésée serait dépité, le parcours s’observe de haut pour en admirer les détours idéaux. La gloire revient toutefois au potager, merveille de couleurs harmonisées, qui redonne leur noblesse aux carottes et aux choux si souvent négligés.
Au cœur des jardins, la symétrie s’estompe. C’est une forêt sage, qui caresse la pierre et s’élance sur le bois. Des archipels de roseraie complètent le tableau des senteurs, fragrances délicates qui ne se donnent que dans l’intimité d’un rapprochement indiscret. Ci finit Villandry, entre les pétales aux mille teintes et l’ombre lointaine de l’auguste enceinte.
Véritable maison des arts, Villandry a tant d’atouts qu’on ne saurait les nommer tous. Tant de vocabulaire s’y mêle – architectural et pictural, horticole et arboricole – et tant d’art s’y presse ; en ajoutant la Loire comme royal voisin, l’on obtient de la Touraine son plus bel argument, des châteaux le souverain.