C’est une route départementale où s’égrènent, les unes après les autres, les forêts et les villages. Après la bifurcation, les habitations disparaissent, laissant la place aux forêts lointaines et aux champs plats plus proches. Derrière les hautes grilles, un château : deux tours rondes encadrent un corps de garde solide tandis qu’à l’arrière-plan se dessine un corps de logis aux rougeurs assumées.
Il y a une odeur d’herbe coupée dans les airs ; l’été papillonne joyeusement sur les murs. Dans les douves, c’est une onde douce, d’un beau vert calme qui caresse les briques de la puissante demeure. Par-dessus les eaux, un pont est jeté qui file sous une forteresse blanche. Des tourelles aux nuages, le bleu étend son immense domination : l’entrée se fait sous les meilleurs auspices.
Il n’y avait guère que la façade pour se parer d’une pâleur d’albâtre. Eclatantes dans la brillance estivale, les ailes sont fardées d’un rouge encore timide, tempérées par les ardoises sombres et les liserés noirs qui les quadrillent avec une exacte régularité. L’exubérance, dans cette arène artistique, tient dans les bosquets et autres jaillissements végétaux ; c’est une douce harmonie qui se répand dans les airs.
Point de craquellement de parquet dans les pièces qui se suivent. Comme à l’extérieur, les pavements affichent une nuance rouille à la chaleur toute chromatique. Au milieu des meubles aux tentures veloutées, de petits flacons paraissent encore exhaler les senteurs exquises qu’elles renfermaient. Chacun est minutieusement ouvragé : il faut pour ces fragrances les plus délicats des ciboires.
D’autres senteurs sont à découvrir. Derrière le château, derrière les briques et derrière les fines sculptures, un jardin à la française ordonne fleurs et buis, arbres et arbrisseaux fleuris. Dans ce dédale ravissant, la silhouette castrale ne disparaît jamais tout à fait ; elle s’efface seulement, poliment, évidemment, devant les pergolas qu’on devine à peine. Encore faut-il espérer que le regard ne soit pas happé par les pétales dressés et le nez par les émanations échappées.
De la France à l’Angleterre, il n’y a qu’un pas : nous le franchissons avec enthousiasme. Nous y retrouvons les mêmes plaisirs. L’onde s’est faite lac et la nature s’est affranchie des règles humaines. Assise dans les prés, dansant dans les airs, la félicité est ici chez elle. Son temple, c’est ce kiosque lacustre qui paraît être là pour accueillir les discussions aimables.
Chamerolles, château des parfums : le titre est juste mais les effluves éminents ne sauraient résumer toute la délicatesse du lieu qu’ils habitent. C’est à la fois l’association des couleurs et de l’imagination et l’alliance de la nature et de l’art bâti qui font du château un havre bien singulier. Le tout baigné par les parfums de l’allégresse.