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26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 21:27

C’est un colosse de pierre qui s’étire infiniment. Dans les écrits les plus divers, les superlatifs ne manquent pas pour le qualifier. A celui qui ne l’a pas vu, il serait difficile d’imaginer la puissance du lieu. Puissance du lieu qui amène celle d’une époque, d’un pays et d’un roi aux désirs de grandeur. Un relais de chasse transformé en la plus belle résidence royale d’Europe.

Château ou palais, la différence est ténue et la simplicité avec laquelle on la dépasse ne traduit finalement que le prestige absolu ainsi que tous les symboles liés à l’édifice. Dans ce xviième siècle finissant, quelques-uns des plus grands esprits allièrent leurs talents à la gloire d’un monarque d’exception.

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Versailles ; le nom lui-même semble prédestiné à désigner quelque noble entreprise. L’Histoire n’aura pas failli à sa tâche. Le paradigme du classicisme français est une ode à la méthode artistique et à la rigueur esthétique. Face au château, l’individu s’efface. Il est aspiré par les points de fuite qui désignent l’entrée, laissant de côté la chapelle royale attenante au palais sévère.

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Les intérieurs sont un capharnaüm magique où se mêlent richesses et fantaisies fantasmagoriques. L’or et le stuc se séduisent, dérangés heureusement par les marbres et les essences rares. Les tissus fins se joignent aussi à la partie : l’enivrement féerique est à son comble. L’art au service du prince, le prince au service de la postérité. Le Brun et ses disciples sont les flamines d’un culte encore très largement célébré.

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Côté jardin, l’impression de gigantisme n’est que plus marquée. Le rythme des fenêtres et des pilastres paraît imperturbable. Les pierres se parent d’une tunique à peine dorée pour illuminer un peu plus en contrebas les parterres fleuris. Au milieu des plans d’eau dans lesquels le royal reflet se mire, des sentinelles de bronze, tantôt ébahies, tantôt en majesté, peuplent la première terrasse.

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Au loin, le grand bassin trompe les aventuriers d’un jour qui ne pensent pas à la magnifique illusion qui s’étend sous leurs yeux. Avant d’y parvenir, des fontaines et des buis, des vases et des arbustes forment une allée princière d’où s’échappent des chemins impétueux. D’autres palais et d’autres merveilles pourraient nous y attendre.

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Dix lettres pour un symbole de l’art français. Le pari, osé, a tenu ses promesses. Le Brun, Le Nôtre et Le Vau ont bien travaillé : ils ont construit la religion royale. Indépendamment de ce qui s’y passa de décisions politiques et de jeux de pouvoirs, de jalousies et de réceptions somptueuses, Versailles étonne toujours car il est un espace d’art total bâti pour la légende d’un seul et pour la fierté de tous.

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31 mai 2011 2 31 /05 /mai /2011 20:37

Au Moyen Âge, les foires eurent un rôle retentissant dans la vie économique et sociale de l'Occident européen. De toutes les places fortes qui accueillirent maints marchands, il en est une qui a conservé jusqu'à aujourd'hui les vestiges de sa particulière importance. Voisine d'une Champagne où ne règnent plus les comtes protecteurs des espèces sonnantes et trébuchantes, Provins demeure une cité prestigieuse.

Aux confins de la Brie, Provins jouit d'une position avantageuse. Ses remparts blancs dominent la ville neuve, héritière d'une période où la cité devenait, quelques temps du moins, le centre des attentions commerçantes, depuis les Flandres jusqu'en Italie et de la mer du Nord à l'Orient. 

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Les Thibault, les Hugues, les Henri planent encore sur la ville. Ces murs, blancs et blonds à la fois, ont été érigés par leurs volontés. A commencer par les murailles hautes et fortes qui jaugent le plateau briard des alentours, terre fertile dont sont sortis tant de trésors. En épigones disciplinés, les pans défensifs disent une histoire mal assurée, une histoire où l'imagination a tous les droits, une histoire où Provins nourrissait la Champagne et le royaume de France.

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Le calme d'aujourd'hui contraste très probablement avec l'agitation impétueuse qui étreignait la cité marchande aux XIIème et XIIIème siècles. Les lards, les vins et les étoffes ont disparu, laissant orphelins les pavés et les blocs nus des maisons. Sur la place centrale, les étals se sont volatilisés et des échoppes modernes ont installé là leurs quartiers.

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Entre les hôtels particuliers et les tavernes délaissées, un puissant souvenir subsiste. Pas seulement une tour, pas seulement César ; c'est un auguste château fort. L'imposante toiture couvre une antique charpente du XVIIème siècle. Les étages inférieurs capturent la fraîcheur du jour entre leurs pierres découvertes, là où des tapisseries retenaient autrefois la chaleur de leurs fils.

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De son éperon, la grosse tour surpasse son rival de clocher. Celui-ci, seul sur sa place d'automne abandonnée par les feuillages des rares arbres solitaires, soutient aisément la comparaison avec la mince forteresse d'en-haut. Puissante et austère dans son style gothique, la collégiale Saint-Quiriace traîne son inachèvement avec légèreté.

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Il flotte dans les rues de Provins un air de bonhomie. Plus de soldats, plus de marchands, encore moins de moines. Le fatras et les bousculades ne sont plus. Les pavés peuvent désormais sentir le vent se faufiler entre les herbes folles qui les peuplent. Et les murailles de veiller un paysage champêtre paisible. L'histoire change, les pierres restent.

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17 octobre 2010 7 17 /10 /octobre /2010 21:53

Le patrimoine est quelque chose qu'il est difficile de définir avec précision. Patrimoine matériel et patrimoine immatériel, patrimoine ancien et patrimoine nouveau, la notion est sujette à toutes les discussions de goût sans que, toutefois, une norme acceptable et acceptée ne soit mise à jour.

Pour beaucoup de personnes, le patrimoine – je veux parler du patrimoine matériel – représente l'ensemble des monuments et objets d'arts antérieurs au XIXème siècle, avec quelques rares et célèbres exceptions : la Tour Eiffel, le Grand Palais, les musées Guggenheim, entre autres.

Le monument qui va être décrit ici est un monument connu de ceux qui s'intéressent à l'art, à l'architecture et à son histoire et à ceux pour qui le patrimoine revêt des dimensions plus étendues. Grâce au titre, les connaisseurs auront sûrement déjà reconnu la villa Savoye, à Poissy, oeuvre de l'architecte Le Corbusier, célèbre notamment pour sa Cité Radieuse de Marseille ou encore la chapelle Notre-Dame-du-haut-de-Ronchamps, en Haute-Saône.

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Construite en 1928 pour le couple Savoye, la villa est appelé Villa des Heures Claires. Endommagée durant la guerre, la villa est rachetée par la ville de Poissy en 1958 puis par l'Etat en 1962. Fait rare, la villa est classée monument historique par André Malraux du vivant de Le Corbusier.

La villa Savoye, c'est avant tout un petit résumé de la pensée de Le Corbusier. Cinq points devaient être respectés dans une construction moderne ; ils se retrouvent dans cette villa. Manifeste de la modernité pour Le Corbusier, la villa est sur pilotis ; la façade, libre, est composée de fenêtres en bandeaux ; à l'intérieur, le plan est libre tandis que le toit sert aussi de terrasse.

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L'objectif de Le Corbusier, dans cette maison mais aussi dans son oeuvre, est de proposer, dans chacun des ses travaux, une « promenade architecturale ». Pari réussi : les frontières entre intérieur et extérieur sont floues pour le visiteur et la déambulation dans la maison se fait de façon naturelle, presque sans accrocs. Un guide invisible nous invite dans sa maison, posée là, sur un tapis d'herbes au milieu d'arbres qui semblent respectueux. On se promène dans la villa comme dans les pensées de Le Corbusier.

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L'intérieur, s'il obéit aux impératifs pratiques de la vie moderne, est quelque peu sommaire. Le fonctionnel empêche t-il alors un chaleureux confort ? Difficile de juger l'oeuvre de Le Corbusier, plus de 70 ans après la construction de la villa. Ce qui, aujourd'hui, dans la villa, peut nous apparaître standard et évident, a constitué une pensée révolutionnaire pour l'époque.

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Cependant, une nouveauté mérite d'être citée dans cet article : le toit terrasse. La maison devient en intégralité la propriété de son habitant. Mieux, le toit, synonyme, encore aujourd'hui, de lieu inaccessible et – disons-le, inintéressant – devient un lieu de vie à part entière, un lieu où il faut s'investir, notamment pour le jardin. Lieu de vie, lieu de travail et lieu de détente : quand le travail au bureau de plein air est fini, on peut admirer le paysage sur la Seine depuis l'ouverture qui donne l'illusion parfaite du tableau vivant.

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On ne peut qu'encourager les visiteurs à se presser à Poissy. Si les châteaux forts et résidences royales font partie, bien évidemment, de notre patrimoine historique, la villa Savoye n'a rien à leur envier de ce côté-là. C'est une histoire plus récente et plus concrète pour nos vies actuelles qui se déroule ici. Un bond dans l'histoire en quelque sorte, certes moins dépaysant mais tout aussi important.

Gastronomie

Je ne pourrais ici que vanter les mérites du Noyau de Poissy. Liqueur inventée au XIXème siècle dans l'une des guinguettes de la ville, le Noyau se divise en deux produits, le Noyau Blanc et le Noyau Ambré, le Blanc étant le plus fort – il titre à 40° - tandis que l'Ambré titre à 25°.

Le Noyau Blanc est produit par la macération de noyaux d'abricots dans du cognac. Pour l'Ambré, c'est presque la même chose : les noyaux macèrent dans de l'armagnac.

Le Noyau de Poissy révèle des goûts d'abricots et d'amande ainsi qu'un fort parfum d'amande. Doux et sucré, le Noyau se sert frais et peut servir aussi bien d'apéritif que de digestif. Un pur délice !

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19 juillet 2010 1 19 /07 /juillet /2010 21:07

Au sud-est de la forêt de Fontainebleau coule le Loing, affluent de la Seine qui prend sa source dans l'Yonne. Plusieurs cités de caractère s'étendent sur ses bords et il convient ici d'en révéler quelques-unes qui nous ont paru particulièrement agréables à visiter.

La première d'entre elles, c'est Nemours, ville historique, ville principale d'un duché dont les titulaires furent des personnages importants de l'Histoire de France. Pourtant, aucune marque d'orgueil dans la ville. La tranquillité a envahi les rues. Le centre-ville historique est entouré d'un canal contenant le Loing. Un moulin à eau tourne encore, impassible, au long de ce canal.

Loing 065Loing 073

Il est temps de franchir les quelques mètres d'eau et de découvrir ce centre. Au milieu des anciennes maisons de pierre, des maisons bourgeoises et des antiques ateliers artisanaux, au bord de la rive gauche du Loing, le château de Nemours exhibe fièrement son haut donjon. Etiré et fin, il est relié à un corps de logis plus massif flanqué de deux tourelles. Un petit endroit hors du temps, même si la chaussée est proche. Le Loing est là et rien ne vient troubler la quiétude du moment ... pour notre plus grand plaisir.  

Loing 078Loing 081

De retour vers notre voiture, nous passons par l'église Saint-Jean-Baptiste, honorée en 1804 par le passage du pape Pie VII. Le temple catholique reste relativement simple. Cependant, avec le château tout proche et les basses maisons aux toits sombres, Nemours possède encore, pour notre imaginaire, l'aspect d'une ville médiévale d'importance moyenne.  

Loing 097Notre prochaine étape, c'est Grez-sur-Loing. Petit village au charme saisissant, Grez n'est guère plus active que le large Loing. Celui-ci est enjambé par un long pont de pierre. Grez mérite le détour pour les vestiges de sa tour médiévale et pour son église. La tour médiévale témoigne de la place de choix qu'occupait Grez-sur-Loing sur la route des marchandises qui allait vers Paris. Cette tour, appelée tour de Ganne, doit aussi sa réputation à une illustre hôtesse qu'elle accueillit un soir : Blanche de Castille, mère du roi Saint Louis. Entre la tour et la rivière, quelques jardins privés très bien entretenus ajoutent à la douceur du lieu.

Loing 103Loing 099

Quant à l'église de Grez, consacrée à Notre-Dame et à Saint-Laurent, elle possède le caractère typique des églises d'Île-de-France. Elle est dominée par un robuste clocher sous lequel s'effectue l'entrée ... quand l'église est ouverte.

Rien de grave. Et puis, nous avons encore à faire. La dernière étape de ce petit périple dans le Gâtinais français est Moret-sur-Loing, célèbre notamment pour ses sucres d'orges.

Comme les deux autres villes précédemment citées, Moret possède à la fois le calme et la force de caractère. Du reste, il est très étonnant de trouver une telle richesse patrimoniale dans une ville si modeste. Outre les maisons à colombage, nous avons été agréablement surpris par l'église Notre-Dame, et notamment par son buffet d'orgue absolument fabuleux. Datant du XVIème siècle et fait de bois, ses sculptures sont saisissantes de finesse et de légèreté.

Loing 112Loing 115

Notre balade a ensuite continué vers les quais du Loing. Mais pour y parvenir, il faut d'abord passer par les anciennes portes - monumentales - de la ville. Ensuite c'est le Loing qui s'étend toujours nonchalamment et qui offre toujours une plaisante impression de sérénité déterminée. C'est peut-être ce tempérament emprint de bonhomie qui a séduit, dans la deuxième moitié du XIXème siècle, certains peintes impressionnistes comme Alfred Sisley à qui Moret doit l'une de ses plus célèbres - et plus belles - cartes de visite. Et ce que l'on peut dire, c'est que, aussi modeses soyons-nous, nous pouvons sûrement affirmer que nous avons ressenti la même impression d'émerveillement que le peintre. 

Loing 128

Gastronomie

Les sucres d'orge ... Hummm ! Qui n'en a jamais mangé ? Etait-ce des vrais sucres d'orge ? Car il n'y a qu'ici qu'on les fabrique. L'originede la recette vient des religieuses de Moret, dès le milieu du XVIème siècle. Le plus ancien bonbon de France ? Peut-être bien. Après une période où il disparut à cause des hasards de la Révolution, le sucre d'orge connut une renaissance en 1853, fort bienvenue puisque c'est grâce à l'obstination de quelques hommes et au bon vouloir des religieuses que le sucre d'orge a survécu. Ouf !

Car finalement, si la recette est très simple, le bonbon est un petit délice qui fond tout seul en bouche, dévoilant pudiquement son goût sucré incomparable.

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  • : Récits de voyage, fictionnels ou poétiques : le voyage comme explorateur de la géographie et de l'histoire.
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