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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 18:00

 

J’ai souvenir de temps lointains où j’étais un être humain. Homme ou femme, qu'étais-je, je ne sais plus, et depuis les années un voile a été jeté sur mon identité perdue. D'aucuns diront que je hante ce lieu que je n'ai jamais quitté depuis que l'on y m'a déposé : c'est un cimetière. Je n'y vis pas, vous l'avez compris, puisque je suis mort, mais mon âme persiste et se rappelle, faute de pouvoir à sa guise vagabonder, les vies et les événements auxquels j'ai assisté. 

Je ne pourrais pas préciser l'époque à laquelle je vis le jour. Tout juste me rappelé-je les venelles tortueuses de ma ville, et les bords de la rivière où, enfant, je jouais. De ma vie propre je ne conserve que peu de souvenirs mais étrangement, ce sont ceux des autres que je recueille. Ceux des nouveaux morts. Mes voisins. Silencieusement, ils hurlent autant qu'ils révèlent ce qui fit leurs vies.

Dédale de réminiscences

 

Au loin, vers les pierres qui sont les plus proches de la ville, donc des vivants, j'entends une voix émue qui pleure l'ancien quartier et chante les nouvelles avenues. Cette voix narre les passages étroits où passent le soleil et les enfants et elle décrit le bruit des carrioles dont les roues battent le pavé au rythme des sabots des chevaux. Elle dit que les maisons furent abattues et que les familles obtinrent en échange, parfois, de petits ou grands appartements.

Dédale de réminiscences
Dédale de réminiscences

 

Je n'ai pas souvenance de pareil bouleversement. La voix l'affirme : ce sont les Autrichiens qui décidèrent de ces changements. M'entend-elle quand je demande des détails, des précisions ? Sa litanie semble infirmer cette question. La voix se perd en des descriptions charmantes mais inutiles, comme ces exemples d'ouvriers qu'effrayèrent le sabbat et ses ruelles vides.

Dédale de réminiscences
Dédale de réminiscences

 

Près de moi, une femme - elle affirme qu'elle fut femme ; quant à moi, je vous l'ai peut-être déjà dit, je ne sais ce que je fus - se lamente sur le pogrom dont elle fut l'une des victimes. Son récit est un pleur, un affreux tourment pour moi, car à la vie elle fut arrachée lors d'une après-midi ensoleillée. Battue, elle raconte qu'on la tira par les cheveux et par tous ses membres, et qu'on l'insulta avant de l'achever.

Dédale de réminiscences
Dédale de réminiscences

 

Cette femme me glace le sang. Pardonnez ce trait d'humour, car je n'ai plus ni sang ni corps, et même de mon âme je doute présentement. Une autre voix, inconnue jusque là, s'est élevée depuis peu. Elle a été rabbin, ou a connu un rabbin, très célèbre en son temps, dont les mélopées sans faute appelaient le Très Haut et imploraient son alliance. Cet homme fut très respecté et de tous il reçut des hommages, et même des autorités.

Dédale de réminiscences
Dédale de réminiscences

 

Je ne sais combien nous sommes en ce lieu. Beaucoup se taisent, d'autres pleurent seulement, une poignée relate ces choses que les hommes appellent souvenirs mais que l'on dit aussi regrets quand le temps a trop passé. Quant à moi je ne peux dire si ma parole est entendue ou bien si elle ne passe pas les frontières de mon esprit qui n'est pas bien étendu.

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23 mai 2012 3 23 /05 /mai /2012 20:22

Elles sont peu nombreuses, ces places devenues symboles, qui éclairent d’un jour éternel leurs capitales fières de leurs auréoles. De ces villes que l’on peut nommer, la plupart est sise en Europe ; et sur le Vieux Continent, plongeons un peu plus nos yeux et nos cœurs sur Prague, qui des cités d’art est l’épiscope.

Aux abords du Rudolfinum, une agitation se fait jour ; l’après-midi bat son plein et le soleil ranime les amours. Deux muses ailées, sur leurs colonnes dorées, attirent, telles des sirènes, les uns qui se perdent, les autres qui se promènent. De la musique encore et encore, pour les mélomanes avertis ; quel riche décor, digne de Dvorak ou Verdi.

Prague Tyn 120

D’un pas assuré nous nous pressons. Les sollicitations nous aspirent et nous échappent, humaines passions et architecturales visions. Des pierres et des couleurs jaillit une exubérance qui frise l’indécence. L’aisance est modérée par des angelots ou par d’étranges personnages. A travers les âges s’est formé un mélange d’art et de culot, dont le prestige se propage dans chaque direction.

Prague Tyn 182Prague Tyn 215

La tête en l’air, on se heurte aux corps de la foule, emportés dans la houle de l’émerveillement. Folies du baroque, rêveries végétales en Art Déco, figures héroïques de femmes aux airs élégiaques. Sous les fenêtres et sur les pignons, des rondeurs inattendues dessinent des arabesques ambigües.

Prague Tyn 175Prague Tyn 183

De la ville et du monde, l’on converge vers cette clairière féconde. En son centre est le bronze bleuté, histoire du pays, force des opprimés. Derrière cette masse de métaux découpés paraît la finesse des façades colorées. Oh Beauté ! Ton charme éclaire chaque parcelle de cette honorable cité !

Prague Tyn 233Prague Tyn 239

Prague Tyn 213

L’éclat catholique se glisse également en ce lieu béni des auspices. La blancheur immaculée est trompeuse : elle est abandonnée, à l’intérieur, pour des décorations plus pompeuses. Une lumière d’or descend du dôme jusque sur l’autel, débordant même à l’extérieur sur les statues et les pilastres.

Prague Tyn 216Prague Tyn 218

Du haut des deux tours qui nous surplombent, peut-être pourrait-on la voir, cette vie cosmopolite qui s’agite. Peut-être pourrait-on voir jusqu’au château, à la cathédrale et Nové Mĕsto. Et à nos pieds serait la place et Notre-Dame-de-Tyn, éternelles désirées, à jamais admirées.

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24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 20:40

Certaines capitales emprisonnent à elles seules les attentions émerveillées des visiteurs. Elles attirent, par la seule force de leur nom, ces foules curieuses, désireuses de dévorer des yeux ce que ces cités élégantes ont à proposer. Prague, sans conteste, fait partie de ces aimants esthétiques. Pourtant, on ne saurait, à juste raison, résumer la République Tchèque à la seule Prague.

Sises toutes deux en Moravie, Brno et Olomouc se font discrètes, dans l’ombre d’une sœur éclatante et brillante à bien des égards. Car il s’agit bien de sœurs, effectivement, lorsque l’on parle de ces lieux qui possèdent un étrange air de famille, comme des gênes d’harmonie qui se seraient transmis entre des villes qui, soucieuses de leur indépendance, n’en cachent pas moins leur délicieuse ressemblance.

Brno Olomouc 292Brno Olomouc 334

Ainsi, Brno, comme Olomouc, est un exemple parfait de ces villes d’Europe centrale où le baroque a envahi les rues et a maquillé les immeubles de ses couleurs vives et de ses facéties minérales. Là, ce sont des frontons distingués, hésitant encore entre l’ocre et le moutarde ; là encore, des loggias de bois peints, soutenues par des personnages fiers et humbles, modestes et puissants. Partout les murs s’ornent de feuilles légères et immobiles, de visages figés et parfois malicieux.

Brno Olomouc 294

Olomouc, plus discrète que la capitale morave, révèle avec pudeur ses charmes. Les façades bigarrées mais strictes conduisent le visiteur au cœur de la ville. Là, sur la place principale, s'amassent les palais roses, bleus et jaunes qui composent l’escorte d’une impressionnante colonne de la Trinité, élevée en 1740 en souvenir de l’épidémie de peste.

Brno Olomouc 320Brno Olomouc 324Brno Olomouc 322

La colonne, pour autant, ne peut enlever la primauté sur la place à l’hôtel de ville, virtuose vaisseau baroque. Son beffroi étire ses toitures cuivrées dans des confins filiformes, accablant la belle rigueur rousse des tuiles adjacentes. Aux pieds de cette tour arrogante, l’horloge astronomique se pare de mosaïques aux accents socialistes ; images d’un peuple travailleur baignant dans une ivresse dorée.

Brno Olomouc 325

A Olomouc comme à Brno, le patrimoine religieux n’est pas en reste. Et là comme ailleurs, le baroque expose ses volutes outrancières et ses rondeurs sacrées. Mais les a priori ont la vie dure. Comme dans la belle bohémienne, les cathédrales sont de savoureux échantillons d’architecture gothique. La pierre, restée à nue, a revêtu ses habits de sobriété tandis que les façades voient se dresser d’altières tours richement décorées.Brno Olomouc 286Brno Olomouc 301Brno Olomouc 340

A l’ombre des grands, les petits résistent. Eux aussi se parent de chef-d’œuvres munificents et de couleurs flamboyantes. Eux aussi cultivent les apparences tout comme ils se gonflent d'orgueil de leur patrimoine aussi méconnu que remarquable. De la renommée absente, leur dignité s’en passe. Que la vie est douce, à l’ombre des grands.

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28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 22:22

Déjà en son temps – qui n'est pas si lointain, rassurez-vous – André Breton, le père du surréalisme, définissait Prague comme la capitale magique de l'Europe. Magique. Nous retiendrons ce mot. Pour décrire cette ville, d'une part. Pour évoquer nos premiers pas en Europe, en octobre 2007. Premier voyage, premières émotions de la découverte.

Prague est, sans conteste, l'une des plus belles villes d'Europe. Dès les premiers abords, la capitale tchèque surprend par ses couleurs et sa diversité. Face à une histoire parfois difficile – rappelons qu'en 1968, les chars soviétiques pénètrent dans Prague pour renverser le régime socialiste « à visage humain » de Dubček – où se sont succédées guerres et révoltes, la ville a multiplié les constructions en tout genre.

Prague château 051

Ville romantique, Prague le doit tout autant à ses édifices qu'à l'onde qui la parcourt, la Vltava. De part et d'autre, la vieille ville (Staré Město) et le quartier du château (Hradčany) se font face. C'est dans ce quartier que nous irons premièrement.

Prague château 047

Avant d'y arriver, il faut traverser un pont. Soit. Mais le traverser serait trop simple. Il convient, plus précisément, de l'admirer. Car c'est bien du pont Charles (Karlův Most) dont il s'agit. Nommé en hommage à Charles IV, empereur du saint Empire romain germanique entre 1355 et 1378, il relie de la plus belle des façons les deux rives de la Vltava. Réservé aux piétons, le pont est cerné de part et d'autre par des tours imposantes. Tout au long du pont, les peintres, caricaturistes et autres musiciens forment une ribambelle d'artistes qui accompagnent le parcours émerveillé du visiteur. En effet, de manière très régulière, de hautes statues veillent sur ceux qui passent sur le pont. Personnages bibliques, saints locaux se succèdent en une kyrielle vertueuse.

Prague château 220Prague château 054

De l'autre côté de la Vltava, le pont Charles enjambe la petite île de Kampa aux maisons particulièrement bien conservées. La place Na Kampě respire une soudaine quiétude, appréciable au  vu du très grand flux touristique. Intervalle de romantisme – bien que la ville n'en manque pas – qui fait d'une simple halte un instant privilégié.

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Enfin, c'est le quartier du château. En réalité, c'est une ville dans la ville. Ce quartier du château comprend plusieurs édifices de style baroque et classique qui s'organisent dans des cours qui se suivent ; au centre, la cathédrale Saint-Guy est l'un des rares édifices gothiques de Prague. À l’étonnement se joint l'admiration d'une construction datant du XIVème siècle, surtout quand on passe devant la porte d'Or, sur le côté sud de la cathédrale : une formidable mosaïque représentant la scène du Jugement Dernier. Autour de la cathédrale se pressent, outre les visiteurs, l'ancien palais royal et la basilique Saint-Georges

Prague château 102Prague château 111Prague château 162Redescendons maintenant de cette colline du château. Nous passons devant le monument à la liberté tchèque, représentée par un drapeau du pays mis à mal et déchiré. Désormais, nous nous trouvons dans le quartier de Malá Strana, le « petit côté » par rapport à la vieille ville. Suivant la Vltava, nous arrivons bientôt devant le musée consacré à Franz Kafka, cet auteur tchèque aux relents pessimistes sur la nature et la société humaine, décrivant dans ses oeuvres (Le Château, Le Procès, La Métamorphose ...) l'impuissance de l'homme face à une société humaine aveugle et omnipotente. Les rues sont ici plus intimistes. Les pavés usent les pieds mais sont indissociables du charme ambiant. Remontant alors les rues entre le château et la colline de Petřín, une masse blanche domine bientôt le paysage urbain : l'église Saint-Nicolas. Son haut dôme et sa tour ainsi que sa façade ondulée se remarquent aisément. Son architecture fait appel aux caractéristiques du baroque ; la blancheur immaculée de sa stature lui confie une impression de puissance et de pureté.

Prague château 079

Ici se termine notre première visite de Prague. Tout juste avons-nous le temps de vaincre la colline de Petřín ; toutefois, la montée est rude. Il faut alors traverser à nouveau cette Vltava qui devient familière pour nous trouver dorénavant dans Staré Město, la vieille ville. Ce n'est que le début. Prague a encore tellement à offrir.

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