En rangs sages, les vignes attendent patiemment la prochaine récolte, à la fin de la saison. Alors le travail d’une année livrera ses fruits et le millésime révèlera ses secrets. D’ici là, les grappes se gorgent de ce soleil si présent, et elles noircissent jour après jour, concentrant leurs arômes futurs en de petites billes charnelles.
Entre Dijon et Beaune, le vignoble bourguignon s’expose. De chaque côté d’une route absolument bénie, ce sont de grandes plaines au bout desquelles s’élèvent de courts reliefs, eux aussi vêtus des nectars en puissance. La côte. La réputation n’est plus à faire. La gastronomie des terroirs est ici chez elle.
Les noms défilent, célébrités gustatives et vedettes vinicoles. Les étapes s’appellent Aloxe-Corton, Nuits-Saint-Georges, Meursault. Quelques tuiles vernissées sur les toits, une nonchalante tranquillité dans les rues ; l’agitation est sur les papilles, à l’ombre des devantures. Les trésors se pressent aux vitrines avec leurs noms prometteurs et leurs robes légères et impénétrables à la fois.
En dehors de ces cités tellement riches, il n’est que le ceps, fier et bien vert. Des murs annoncent des demeures respectables et, au loin, surgit une masse au milieu de son fief. Un chemin y mène qui pourfend les nobles rangées. Tel un seigneur, il veille à son bien qui s’éveille, à ces milliers de perles brunes qui sont le terroir vivant.
Une œuvre de cistercien que cette alchimie magique. Il n’a pourtant rien d’une abbatiale, ce château du Clos de Vougeot. Une apparence sobre, comme l’idéal cénobitique primitif, qui cache une cour surprenante. Le quadrilatère est régulier ; chaque aile remplit encore son rôle millénaire dans l’élaboration du précieux breuvage. Sur les façades, les marques du passage de la Renaissance. Le goût dans tous ses états.
L’art architectural s’arrête pourtant aux surfaces. Après elles, c’est un art technique, un savoir-faire qui ne peut tolérer l’imprécision ni l’incurie. Les pressoirs sont comme des monstres de puissance. A leur échelle, il n’y a que les fûts qui recueillent les jus à peine sortis de leurs enveloppes délicates. Des instruments surhumains pour des liquides divins.
Une dernière vue sur le domaine. La patience et la minutie pour seuls arguments. Le résultat est certes incertain mais la méthode est la bonne. Les années l’ont assez prouvé. Au milieu de cette forêt de vignes, le château marque le paysage, s’impose dans son terroir. Un château du goût pour l’exaltation d’autres palais.