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22 juillet 2017 6 22 /07 /juillet /2017 18:00

C’est dans un bourg de l’autre côté du fleuve qu’on surprit le traître. Tandis qu’entouré de sa cour, il se pavanait, nos troupes entrèrent et s’en saisirent. Il ne se débattit pas, lâche et odieux, laissant pour ses misérables compagnons un simple : adieu. Alors que le prince du lieu bénissait notre action, nous repassions en France afin de le juger correctement. Sur la route il fit des difficultés : il savait que sa conduite ne résisterait pas à la vérité.

On le présenta à ses juges, hommes nobles et magnanimes. Tous provenaient de la noblesse la plus pure, celle des armes, qui sur les champs d’Europe avait fait montre de sa droiture. Et lui, malgré son nom, il tremblait de tous ses membres tel un pauvre petit garçon. On lui présenta les griefs, à savoir sa trahison et son complot contre l’empire. Il bredouilla quelques explications dans le but de nous séduire. Mais, inflexibles, nous prononçâmes sa condamnation.

Saint traître
Saint traître

Alors qu’on le menait devant le peloton, il se tourna plusieurs fois pour négocier sa libération. Cependant la justice nous animait, et la fidélité, principes essentiels que lui-même avait reniés. Nos visages fermés le convainquirent de notre décision. Sûr de son rang, et se croyant le roi, il voulut encore rencontrer l’empereur, puis commander le feu. Excédé par sa suffisance, notre lieutenant refusa ses exigences et fit taire l’orgueilleux.

Saint traître
Saint traître

Les rumeurs lui étaient déjà parvenues lorsqu’ils forcèrent la porte de son hôtel. Face à eux il se dressa, capturé mais point vaincu. Toisant ceux qui le saisissaient, il demeura stoïque quand on lui lut les actes qui l’accusaient. On parlait de trahison : il évoqua davantage l’amour et la raison. Mécontents de son assurance, ses ravisseurs le poussèrent dans une voiture, cahotante et ouverte à tous les vents, dans laquelle il traversa le pays pour y subir un certain tourment.

Saint traître
Saint traître

On ne laissa pas le duc se remettre de son voyage. Un prétendu tribunal avait été constitué qui d’Enghien voulait faire sa proie. Ce dernier, transi de froid, eut à peine les forces pour se justifier. Il faut dire qu’il se trouvait face à d’indignes assaillants. C’était à qui aurait le lignage le plus obscur. Se disaient juges des fils de marchands et de fripiers, ce qui était en soi pour le duc une vive blessure. Face à ses arguments, ils restèrent sourds et c’est une condamnation qu’ils prononcèrent, telles des bêtes voulant plaire à leur maître.

Saint traître
Saint traître

Alors qu’on le menait devant le peloton, il voulut, question d’honneur, interroger ledit empereur. Le nabot Léon n’était pas à Vincennes, mais en galante compagnie à applaudir quelque comédien sur scène. Alors, sachant son sort scellé, le duc en appela à l’humanité de ses bourreaux et voulut choisir le moment de son trépas. Cela aussi, on le lui refusa, alors il releva la tête et cria aux soldats de viser le cœur. Ils ne le ratèrent pas.

Saint traître
Saint traître

Dans la boue, sous la pluie de mars était étendu son corps. Il fumait encore des balles qui l’avaient pénétré. Duc l’instant d’avant, il n’était plus qu’un homme inerte, froid, mort. Sans souffle ni mouvement, il n’était plus un danger. Les soldats, muets un moment, s’avancèrent pour le relever et le porter en sa tombe. C’était un simple trou, comme on en creuse pour un chien aimé, et comme tel on l’y déposa.

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