Avec l’air de se demander ce que l’on fait là, les pieds dans son pré, la reine continue de ruminer. Dans sa belle robe bordeaux, elle s’avance, lentement. Baissant la tête pour chercher sa subsistance, son interrogation persiste. Puis le spectacle l’ennuie ; elle se détourne, et rejoint ses congénères à peine rassasiées.
L’intermède fut bref, et déjà le village se présente. Du ciel bleu, la chaleur fait sentir son absence. La placette, parfaite, est dominée par un hôtel particulier. Un noir brillant l’habille, et rappelle la nature profonde de la terre. Les volcans ne sont pas loin. Même éteints, ils se sont répandus à la surface. Même éteints, ils ont envahi la place.
La pierre hésite peu. De fait, il semble que notre vision se débat dans une monochromie, jonglant entre les noirs, les blancs et les gris. Ne serait-ce la luminosité accrue du jour, l’on se croirait dans un décor d’un film bicolore. Par leur allure irrégulière, les lauzes ajoutent à l’étonnement. Tout parait tenir par un étrange enchantement.
Salers, toutefois, sait s’égayer. Le lierre conquérant s’élève et se tortille : la couleur réapparait. Aux fenêtres, le rouge des fleurs contraint les noirceurs de l’urbain. Plus bas, près des bancs de pierre, les vivaces se repaissent de l’espace laissé. Enfin, aux carrefours, les arbustes espèrent en plus grand, en plus beau et en plus imposant.
Dans les ruelles pentues s’entrecroisent les jambes fatiguées. Le regard interroge les fissures aux murs, qui laissent craindre quelque écroulement. Mais elles tiennent bon, ces bâtisses sans âge, aux racines si profondes et si sages. A force de marcher, la langue réclame à boire. C’est à une fontaine que l’on s’arrête, où tel dans un abreuvoir, l’on plonge la tête et les pensées.
Le corps revigoré, les idées claires et les pieds à peine reposés, la quête reprend. Celle d’une vérité, d’une leçon ou d’un accomplissement. Devant le panorama découvert, l’on cesse de réfléchir ; les anciens tracas fléchissent devant l’horizon tout de vert. L’immensité boisée s’étend et le temps se suspend ; tout peut attendre.
Petit point sur la carte, hasard de la route, paysage en fête. Salers comme une halte. Devant le regard des bêtes, à chercher quelque chose l’on s’entête, quand tout est là. Instants rares, où l’heure s’oublie, où le corps se tait et où l’âme grandit. Ce n’est pas le crépuscule, ni même une fin d’après-midi. Seulement une journée d’été, où rien ne sert. Sauf exister.