Est-elle bretonne ou ligérienne ? La question est autant géographique qu'identitaire et pourtant, Nantes, loin de subir un quelconque antagonisme somme toute sémantique, unit ses deux coeurs en une métropole particulièrement riche.
Où est le centre de cette ville qui voit la Loire prendre son dernier élan avant l'Atlantique ? Large, la Loire est pourtant calme, imprimant à Nantes accrochée à ses rives une belle douceur de vivre. Navires et demeures forment avec le fleuve un paisible triptyque au bord duquel la flânerie est une exquise obligation.
En remontant la Loire vers l'amont, on perçoit les masses claires de l'ancienne résidence des ducs de Bretagne. Le fleuve royal qui autrefois passait auprès des murailles blanches a laissé pour tout héritage de minces douves parfaitement entretenues. Derrière les tours médiévales apparaît un corps de logis immaculé à la toiture haute toute d'ardoises.
La cour reflète la pureté des murs extérieurs. Le logis principal présente une grande finesse d'exécution ; l'on retrouve alors, dans cette marche ligérienne, le caractère et le raffinement des plus fameuses oeuvres architecturales que la Loire accueille. Comme une marque d'empreinte du fleuve, l'Histoire de France s'est invitée en ces lieux. Ainsi le château vit-il naître Anne de Bretagne en 1477 - qui apporta son duché aux fleurs de lys - et c'est aussi entre ces murs que fut conclu l'édit de Nantes en 1598 qui mit fin aux guerres de Religion dans le royaume de France.
Le chemin de ronde offre un vaste panorama sur la cité nantaise. Le regard s'ouvre sur d'amples perspectives du côté de la cathédrale, vaisseau stoïque à la clarté communicative. La pierre ici utilisée, aussi bien sur les plus importants édifices que sur les habitations communes, a conservé son entière pureté, induisant une certaine douceur des teintes. Il y a alors comme une réciprocité entre l'eau, la pierre et l'atmosphère de la cité : tout vit dans une sérénité paisible, une tranquille affabilité reconnue par les habitants dans un consensus général.
Le château pose un problème de taille aux identitaires forcenés de tout poil. Par sa position géographique et surtout son histoire, l'aimable forteresse est indéniablement bretonne, haut lieu de la cité qui fut, sept siècles durant, capitale du duché de Bretagne. Anne, sa duchesse respectée, veille encore, statufiée à la sortie du château.
Mais comment, à la vue de ce tuffeau taillé, modelé, ciselé, comment ne pas voir surgir de nos pensées Blois, Chambord, Amboise ou Chenonceau ? Par sa forme et par son art, le château de Nantes est l'ultime représentant des joyaux ligériens. La ville elle-même semble battre au rythme de son auguste fleuve.