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16 décembre 2011 5 16 /12 /décembre /2011 21:31

C’est une cohue formidable et un élan gourmand. Dans la petite cité, tous convergent vers le marché qui se tient depuis les degrés de l’église jusqu’aux placettes alentours. Les étals rivalisent de bon goût : c’est à qui représentera le mieux la région. Des fromages aux charcuteries en passant par les miels et les liqueurs, ce sont autant de prétextes à une tablée délicieuse.

Les cylindres dorés disparaissent aussi rapidement que les rondeurs affinées. Et bientôt, nous aussi nous disparaissons, libérés du flux ininterrompu de gourmets avertis. Les pâtes molles laissent la place aux pierres dures dont l’obscur reflet luit péniblement au soleil encore timide.

Murat 405Murat 407

L’énergie de l’assemblée gastronomique a pris toute la vie des rues. La petite cité au nom illustre dort dans une étrange apathie. Loin des prédispositions touristiques qui en ravissent d’autres, Murat s’étale nonchalamment à flanc de collines volcaniques dont elle imite le repos.

Murat 404Murat 400

Noire est la pierre qui la compose. Les rocs millénaires expriment, dans leur dureté, la poésie terrible des pays tourmentés. Au toucher, ce sont autant de petits cratères qui se révèlent. Invisibles, leur présence n’en est que plus farouche ; là se réfugie le caractère profond de la ville.

Murat 409Murat 403

Quelques hôtels particuliers marquent leur différence. Battues dans leur chairs sombres, les pierres ont laissé se dessiner des formes connues seulement des hommes : tel portique, tel médaillon, tel pilastre enfin, symboles d’une culture nostalgique des Anciens.

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Par des dénivelés plus forts, l’on parvient à s’élever au-dessus de cet océan noir. Le basalte se dérobe et les lauzes naissent. Mais qu’importent les ténèbres quand la lumière les combat. Immaculée et bienfaisante, c’est une Vierge qui étend ses bras. Comme une invitation à prendre de la hauteur.

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Dans le théâtre vert, une ombre a surgi. Irrégulière, mouvante presque, elle semble pourtant se recroqueviller sur des trésors qu’elle seule peut connaître. Cette ombre, baptisée du nom d’un intrépide, n’attend plus les honneurs qu’elle aurait pu mériter. Désormais, elle dort du sommeil des braves.

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17 juin 2011 5 17 /06 /juin /2011 19:44

L’après-midi a débuté sur les vallons verdoyants de l’Auvergne. L’asphalte dévore les paysages, se glisse entre les cols modestes et les ballons tantôt forestiers, tantôt champêtres. Le soleil a percé la couche nuageuse mais ne réchauffe guère l’atmosphère. Les vitres ouvertes, c’est l’été malgré tout, la voiture avale le gris, fouette le sinople et poursuit l’azur.

Une agitation soudaine, prévue sans l’être vraiment. Une foire locale a investi la place centrale, attirant ces Auvergnats que l’on visite sans les croiser vraiment. Issoire, la plus méridionale des romanes d’Auvergne, distribue commerces et fenêtres timides, dans des maisons à peine plus élancées que les arbres des hauteurs alentours.

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La ville bruisse ; annonces et rires se succèdent sur le podium de la place. Un angle de rue ; le silence y règne étrangement. Les yeux vers le ciel distinguent un clocher, cerné par des volets multicolores et des crépis encore sobres. Mais de clocher il n’est point ; plutôt un beffroi, symbole d’une autonomie de jadis. A son sommet une horloge, dont la présence suffit à nommer la tour.

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L’horloge et sa tour sont discrètes. Habillé d’un noir inhabituel en ces lieux, le clocher civil est relégué au coin d’une vaste place. En écho au beffroi, une fontaine fait jaillir sa noirceur ; de chauds tons ravivent heureusement l’esplanade. Les accords sont joyeux. Arbustes et lampadaires complètent l’alchimie polychrome, sous le regard et la crosse d’un saint personnage.

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Sur les tuiles rouges qui se devinent s’alourdit un sombre ciel. Aux façades colorées a succédé une autre aux teintes égales à celles des nuages capricieux. Elle est là, l’entrée de l’antre de l’hôte des lieux, cet Austremoine pareil aux autres Saturnin et Nectaire. La rupture avec le profane est nette. Point de chaleur ni d’ouvertures, encore moins de tympan sculpté ; à la place, une nudité sévère, une masse ténébreuse.

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Tout à coup, l’intérieur éclaire. Piliers et voûtes se vêtent de blanc et de rouge ; les arcades d’or rivalisent d’éclat avec le Christ en majesté sis dans le chœur. Mais ces émulations esthétiques ne peuvent s’appliquer aux chapiteaux. En une animation muette et statique s’articule un formidable livre de pierre où la faune s’étonne, où les guerriers s’arrêtent dans leur élan, où les murailles naines protègent les géants.

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A la sortie, l’esprit est encore rêveur. La météo n’y fait rien. Derrière les nuages, le soleil resplendit sur les maisons bigarrées. Comme un beau roman, une belle Issoire.

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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 21:22

Les petites routes ont le charme de la découverte. Si l'allure est réduite, si les essieux peuvent être mis à rude épreuve, les rencontres fortuites en sont largement facilitées. Dans la contrée solitaire et sauvage que représente la majeure partie du Cantal, ce genre de voie isolée n'est pas rare.

Au sud du département, quelques lieues derrière Saint-Flour, et alors que le viaduc de Garabit rougeoie dans le lointain, un mirage apparaît. Car, de mirage, il ne peut qu'en être question. Sont-ce les Highlands qui apparaissent là, en contrebas ? L'un de ces châteaux mythiques, allégorie du romantisme, qui dresse encore sa vieille silhouette ruinée ?

Alleuze 328

Pourtant non. Cette carcasse de pierre qui se dresse, téméraire, sur son excroissance forestière, est le château d'Alleuze. Face aux montagnes, face à la forêt omniprésente, le haut donjon semble bien seul. Dans leur résistance silencieuse, les vaillantes ruines sont accompagnées d'une chapelle ancestrale guère plus imposante.

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Depuis la route en hauteur, un chemin de croix descend jusqu'au modeste lieu de culte. Une Vierge blanche, pure, prie pour ceux venus se perdre ici, dans ce petit désert vert. Les herbes d'apparence domestiquées s'invitent jusqu'aux lauzes de la chapelle et jusqu'au cimetière, dernier lieu de repos d'une quiétude parfaite.

Alleuze 333Alleuze 337Alleuze 338Le château, flanqué de quatre tours, est l'unique vestige d'une terreur qui s'exerça ici à la fin du XIVème siècle, quand les guerriers de Bernard de Garlan, au service des Anglais, ravagèrent les environs. Aujourd'hui, les temps de la véhémence sont loin. L'isolement du site contribue à son esthétique. La verdure environnante et l'onde reposante se transforment en une parure sensible.

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Chacune des tours est accessible, parfois au prix d'acrobaties faussement périlleuses. Les ouvertures dans les tours permettent de jouir de panoramas toujours différents. Les eaux vertes de la Truyère cernent le château, désormais prétexte aux rêveries mélancoliques.

Alleuze 349Alleuze 350Tout semble ici inexorablement immobile. Le souffle du vent caresse, sans cesse, les arbres, les ondes et les pierres, qu'elles soient sacrées ou belliqueuses. Fragilité d'un site où règne une harmonie générale. Tout apaise et tout émerveille. Alleuze, ou la quintessence du romantisme.

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27 décembre 2010 1 27 /12 /décembre /2010 22:21

Le christianisme a fortement marqué le paysage culturel et historique européen. Si aujourd'hui les vestiges sacrés qui nous sont parvenus sont autant d'agréables visites, la symbolique de ces lieux fut longtemps très prégnante. Dès lors, la visite de ces lieux peut s'accompagner de respect pour ces lieux et pour ceux qui, des siècles auparavant, érigèrent grâce à leur foi seule ces monuments à la gloire de l'Invisible.

En Auvergne, l'un de ces temples millénaires se remarque doublement : par sa position en hauteur par rapport au village de Saint-Nectaire ainsi que par ses décors de pierre.

Saint-Nectaire, nom doucement évocateur pour tout amateur de bonne chère, est aussi synonyme pour les férus d'architecture de l'un des fleurons du roman auvergnant.

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L'austérité s'est invitée sur l'aspect extérieur de l'église. Deux tours encadrent sévèrement la porte d'entrée. Au chevet, trois absidioles comme de joyeuses excroissances. Petit sanctuaire recroquevillé au milieu d'une verdure omniprésente, l'église de Saint-Nectaire se confond dans son environnement par sa sobriété et sa mystique tranquillité.

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Nos pas admiratifs font crisser les gravillons ; tout s'assombrit pour nos iris quand nous pénétrons dans l'église. Les dimensions restreintes invitent naturellement au recueil. Les merveilles cachées du lieu ne le restent pas longtemps si l'on prend la peine de lever les yeux. A la base de chaque travée, des chapiteaux narrent les histoires bibliques.

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Naïveté des traits, force de l'émotion, couleurs sans concessions. Les personnages exhibent leurs visages interrogatifs, suppliants ou bien résolus. La simplicité de lecture frappe. Toute une didactique héritée du Moyen Âge s'exprime sans ambages.

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Les chapiteaux du choeur sont particulièrement expressifs. La Passion du Christ se découvre dans une rusticité émouvante, accompagnée à quelques piliers de là par des scènes du Jugement Dernier et de l'Apocalypse. La souffrance des uns et la cruauté des autres prennent curieusement vie dans l'élément minéral.

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Sur le flanc nord de l'église, des reliques dorées attirent le regard du visiteur. Un buste-reliquaire ainsi qu'une antique reliure sur laquelle figure un Christ couronné en croix sont autant de remarquables témoignages d'un passé trop lointain pour que l'on ne s'interroge pas sur la formidable habileté de ces artisans anonymes.

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Comme un livre d'images, les sculptures des chapiteaux donnent à voir et à comprendre. Prodigieux outil pédagogique, minutieux travail à destination des illitterati, voilà l'art au service de l'éducation. Le talent de ces illustres artisans ne réside t-il pas dans le fait que, des siècles plus tard, le message est toujours d'une absolue lisibilité ?

Pourtant, résumer ces épisodes bibliques historiés à un simple didactisme émouvant ne suffit pas à traduire la profonde sensibilité qui émane de la pierre sculptée. Il est là le charme de la découverte, quand nos pas suivent la trace  imperceptible des artistes d'autrefois. 

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22 septembre 2010 3 22 /09 /septembre /2010 12:32

Ce fameux vers du poète disparu Jean Ferrat aurait très bien nous servir d'hymne pour notre séjour en Auvergne. Un refrain de consolation mais aussi de courage quand la montée des volcans d'Auvergne nécessitait détermination et ressources physiques pour nous autres, habitués aux plats pays de la Beauce et de l'Orléanais.

Partis une dizaine de jours au pays des volcans endormis, les randonnées ont constitué un défi de taille. Fort heureusement, la météo s'est toujours révélée être une alliée, nous accordant des températures modérées et des vents frais salvateurs à chaque montée.

Au programme, quatre puys. Le terme est trompeur ; le mot puy est d'origine occitane et il signifie colline. Et encore ! Même ce mot peut fortement induire en erreur quelque ingénu s'apprêtant à une randonnée des plus agréables.

C'est au plus grand d'entre les puys que nous nous sommes attaqués en premier. Le Puy de Sancy culmine à 1886m, dominant une vallée où vit au rythme des saisons touristiques la ville du Mont-Dore. Nous arrivons en milieu de matinée dans la vallée déjà obstruée par les brumes tombantes. Peu de monde encore sur le parking : le plus gros des courageux viendra cet après-midi. L'ascension démarre, difficile. Les pentes caillouteuses se révèlent plus inclinées que prévu. Plusieurs pauses sont nécessaires. Les dernières marches sont terribles et pourtant, après 1h45 de montée, nous voilà sur le toit de l'Auvergne.

Puys 148Puys 167

Partout, la brume a envahi le champ de vision. Qu'importe finalement, nous sommes en haut. La descente fut plus calme : quelques minutes seulement de téléphérique et nous sommes en bas. Au passage, nous pouvons admirer les flancs abrupts de la montagne.

Puys 175Puys 177

Le lendemain, nous nous attaquons à un puy de difficulté moindre. En moins d'une heure, nous voilà sur le sommet du Puy de la Vache. L'ascension, tout en restant sportive, demeure aisée ; nous passons sous une épaisse forêt qui nous protège de la chaleur naissante et garde encore secret la révélation de notre destination.

Puys 248

Là-haut, la terre est rouge. Au loin, l'orgueilleuse tête du Puy de Dôme. Tout près, plusieurs puys nous entourent, guère plus hauts que le Puy de la Vache. La descente confirme l'étonnante impression de ce puy ; la terre sèche mêlée à une flore clairsemée donne une atmosphère lunaire au lieu.

Notre troisième montée fut peut-être la plus aisée. Pourtant, il s'agissait du Plomb du Cantal. Dénommé ainsi à cause de la forme de poing de son sommet, le Plomb du Cantal est le plus haut puy du Cantal, culminant à 1855m. L'ascension se fait par téléphérique. Nous regrettons au passage le prix important de l'aller-retour – 7€ par personne –, toutefois quasi obligatoire si l'on ne veut pas arriver épuisés au sommet.

Puys 429Puys 423

À l'arrivée, le paysage s'offre à nous sans détour. Le panorama est remarquable : à proximité immédiate, le Puy Griou se dresse telle une dent solitaire. Plus éloigné, le Puy Mary, objet de notre future ascension. L'impression de calme au sommet est assez formidable ; partout où va notre regard, ce ne sont que vallées, pics, arrondis. Le vent balaie ce paysage immensément vert ; en contrebas, quelques troupeaux de moutons, paisibles, semblent goûter à la quiétude de ce paysage. Enfin, quelques fleurs sauvages peuplent cet espace traversé à quelques endroits par des sentiers pierreux.

Puys 427

Notre ultime ascension fut la plus sportive ; au menu, une petite demi-heure de grimpette au Puy Mary qui tient son nom de l'un des évangélisateurs de l'Auvergne, Marius, disciple de saint Austremoine. L'inclinaison de la pente est proprement impressionnante ; l'effort, pour autant, ne rebute pas tellement les randonneurs. Comme au Plomb du Cantal, l'effort en vaut la peine ; les crêtes donnent à voir des contrastes permanents entre les espaces boisés et les vides rocailleux.

Puys 458Puys 472

Quatre puys et quatre merveilles géologiques ; si les ascensions sont rudes, le spectacle grandiose de la Nature est toujours au rendez-vous, toujours différent et toujours émouvant. Comme le dit le dicton populaire, « après l'effort, le réconfort ». L'effort est physique assurément ; le réconfort, lui, est davantage émotionnel.

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  • : LM Voyager
  • : Récits de voyage, fictionnels ou poétiques : le voyage comme explorateur de la géographie et de l'histoire.
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