C’est une cohue formidable et un élan gourmand. Dans la petite cité, tous convergent vers le marché qui se tient depuis les degrés de l’église jusqu’aux placettes alentours. Les étals rivalisent de bon goût : c’est à qui représentera le mieux la région. Des fromages aux charcuteries en passant par les miels et les liqueurs, ce sont autant de prétextes à une tablée délicieuse.
Les cylindres dorés disparaissent aussi rapidement que les rondeurs affinées. Et bientôt, nous aussi nous disparaissons, libérés du flux ininterrompu de gourmets avertis. Les pâtes molles laissent la place aux pierres dures dont l’obscur reflet luit péniblement au soleil encore timide.
L’énergie de l’assemblée gastronomique a pris toute la vie des rues. La petite cité au nom illustre dort dans une étrange apathie. Loin des prédispositions touristiques qui en ravissent d’autres, Murat s’étale nonchalamment à flanc de collines volcaniques dont elle imite le repos.
Noire est la pierre qui la compose. Les rocs millénaires expriment, dans leur dureté, la poésie terrible des pays tourmentés. Au toucher, ce sont autant de petits cratères qui se révèlent. Invisibles, leur présence n’en est que plus farouche ; là se réfugie le caractère profond de la ville.
Quelques hôtels particuliers marquent leur différence. Battues dans leur chairs sombres, les pierres ont laissé se dessiner des formes connues seulement des hommes : tel portique, tel médaillon, tel pilastre enfin, symboles d’une culture nostalgique des Anciens.
Par des dénivelés plus forts, l’on parvient à s’élever au-dessus de cet océan noir. Le basalte se dérobe et les lauzes naissent. Mais qu’importent les ténèbres quand la lumière les combat. Immaculée et bienfaisante, c’est une Vierge qui étend ses bras. Comme une invitation à prendre de la hauteur.
Dans le théâtre vert, une ombre a surgi. Irrégulière, mouvante presque, elle semble pourtant se recroqueviller sur des trésors qu’elle seule peut connaître. Cette ombre, baptisée du nom d’un intrépide, n’attend plus les honneurs qu’elle aurait pu mériter. Désormais, elle dort du sommeil des braves.