Ciel de larmes aujourd’hui, lavé d’encre. Il se tord en tous les sens, mêlant des noirs différents et rageurs, laissant couler parfois son amertume sur la terre ici bas. La mer se met au diapason. Entrainée par les vents terribles quittant les immensités ondines pour les reliefs du continent, elle s’abat avec rigueur sur la plage chagrine.
Tout là-haut, vers le nord, s’étend la plaine uniforme qui longe les océans glacés. Quand le temps s’illumine, on peut voir la ligne qui démarque le monde des humains de celui des monstres marins. Justement le soleil pointe, et la platitude de sable scintille de petites pépites d’or ; elles attirent les hommes qui s’y promènent, lesquels espèrent la richesse et s’éloignent de celle donnée par le grandiose décor.
La terre et la mer ne semblent pas mécontentes de leur rencontre. Les millénaires ont passé : c’est par habitude qu’elles s’affrontent sans jamais vouloir s’écraser. On dirait une danse, un ballet secret. Les codes nous sont inconnus, les mouvements s’enchainent sans interruption aucune. Comme une parade amoureuse, les éléments se donnent puis se révoltent.
Comme tout élan passionnel, celui-là accouche de la nouveauté. Sans bruit, sans douleur apparente, une falaise se met à grandir, s’extirpant de son sol natal vers la promesse d’une existence qui déjà s’étire. Cette longue ligne blanche est une enfant déjà finie dont on connaît la mort future à des kilomètres au sud.
De cet acte de naissance, il ne reste plus nul témoin. Les chansons et les épopées immémoriales n’ont pas gardé trace de l’évènement, mais nombreux sont ceux qui se sont pressés auprès de cette scène. Puisque tout était calme, qu’une douce torpeur annonçait la placidité des temps, on commença de bâtir et de s’installer pour assurer, qu’à tout moment, ce qui arriverait serait attentivement observé.
Mais rien n’arriva plus sur ces rives. La rumeur excitante faiblit puisque tout avait déjà débuté, et tout était déjà fini. On s’attacha à ce nouveau paysage, à cette soudaine humeur du terrain qui dressait là une colline où autrefois il n’y avait rien. On vit que, de là haut, on dominait la mer et qu’on prévenait l’arrivée des inopportuns. On comprit qu’était ici une frontière, une marche, des confins.
Et si la houle se contentait d’habitude de chants doucement rugis, elle se déchainait parfois en tempêtes magnifiquement gémies. C’est que l’onde honnit les interdits, et qu’elle veut forcer l’accès à une terre qui fut si longtemps son amie. A un endroit elle parvint à ses fins, réduisant la falaise à son ancienne nature. C’est là qu’on fit le port et que vinrent mouiller les aultois navires qu’attire pour toujours le large lointain.