Il y a

Dans le Minervois, il y a des ciels bleus, des ciels bas, des ciels d'orage et des ciels aux nuages nombreux. Il y a des ciels mauves qui disent la fin du jour et des ciels de pastel qui en annoncent la naissance. Il y a des ciels qui avalent la vigne et d'autres qui l'illuminent. Il y a des ciels qui disparaissent derrière des parterres d'étoiles et il y a des ciels si tristes qu'ils ne paraissent que derrière un voile. 

Il y a des collines dans le Minervois. Des légions de monts qui font se contorsionner le paysage et laissent d'inconnus environs à découvrir. Il y a des collines nues et d'autres coiffées, parfois de clochers lointains ou bien de villages perchés. Il y a des collines ou l'homme ne va pas, et d'autres où il passe sans s'arrêter sur le rebord de la voie.

Il y a une terre particulière dans le Minervois. La terre couleur de terre mais aussi de sang, quand le fer y est par trop présent. Il y a une terre qu'on dit pauvre, qui dispute à la rocaille le droit d'être. Il y a une terre qui cède des chemins entiers où elle n'apparaît pas, devancée par la poussière et les cailloux qui virevoltent ci et là. Il y a une terre, dans le Minervois, qui donne vie au vin.

Car il y a la vigne. Il y a la vigne qui pousse, exubérante, prometteuse, comme un pied de nez à cette terre qu'on dit malheureuse. Il y a des ceps de toutes les couleurs, surtout quand vient l'automne et qu'alors les bruns et les oranges prennent le pas sur les parcelles vigneronnes. Il y a la vigne dont les couleurs ultimes sont les rouges profonds et les verts minéraux et qu'on boit quand l'hiver rayonne.

Il y a des chants et des cris. Les chants sont ceux des oiseaux qui sifflent des mélodies. Les rythmes sont toujours les mêmes et accompagnent les voltiges des camarades qui surgissent et survolent ces champs immuables et ces forêts sereines. Par instants ils se posent, laissant sécher leurs plumages, s'ébrouant soudain au contact du soleil puis repartent effrayés par le braiment d'un âne dans son vaste clos d'élevage.

Dans le Minervois, il y a des villages. Il y a des maisons, ni hautes ni basses, aux façades de pierres apparentes ou cachées de crépis, en dépit de leur beauté ardente. Il y a des volets qui sont les seules fantaisies, dont les fers reluisent sur les bois peints. Il y a, au pied de ces maisons, des chats qui errent et se prélassent, se lavent languissamment en fuyant les caresses et en criant contre qui les chasse.

Il y a, dans les villages du Minervois, des vestiges des temps anciens, souvenirs des villas romaines, fierté humble des âmes en peine. Il y a des églises si vieilles qu'elles sont romanes, aux clochers forts et massifs qui teintent de sons de brume les dimanches matins. Il y a même des chapelles abandonnées, gardiennes des champs, protectrices des grains où sommeillent des peintures séculaires qui disent la vie qui est disparue.