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10 juillet 2017 1 10 /07 /juillet /2017 18:00

Ils lacent solidement leurs chaussures. L'odieux passage en caisse est maintenant terminé. Ils se sourient, délestés des formalités qui conditionnaient jusque là leur bonheur de l'après-midi. Ils descendent vers la rivière. Sur le quai de béton qui descend, depuis la route, jusqu'à la Charente, les embarcations colorées (une rouge, deux vertes, deux oranges, encore deux jaunes et une à la couleur indéterminée, entre prune et bordeaux) sont renversées. Ils se tournent vers le comptoir.

La jeune fille qui s'y trouve leur fait signe. Ils comprennent : prenez n'importe lequel. Ils se décident pour le rouge, sans vraiment se décider, parce qu'il faut bien en choisir un et que le temps, fatalement, leur est compté. Ils le retournent, le mettent à l'eau, y placent la grosse boîte hermétique ronde qu'on leur a prêtée pour y déposer leurs affaires. Par un hasard miraculeux, ils parviennent à monter dans l'embarcation sans chavirer. Leurs pagaies pénètrent dans l'eau. Ils naviguent.

Leur parure d'émeraude
Leur parure d'émeraude

Au début, ils peinent à trouver une trajectoire droite. A bâbord filent leurs rivaux, ces vacanciers, comme eux, qui sont sûrs de leurs gestes et éprouvent probablement du plaisir à être sur l'eau. Cependant, après quelques hésitations, le canoë - ou est-ce un kayak, quelle est la différence ? - paraît suivre une ligne invisible, et les bras eux-mêmes, et avec eux les épaules, le torse et la ceinture abdominale, semblent trouver une certaine monotonie dans leurs mouvements. Le voyage commence.

Leur parure d'émeraude
Leur parure d'émeraude

Leurs yeux, jusque-là rivés sur les mains qui tiennent les pagaies, scrutant l'eau comme une ennemie à frapper à intervalles réguliers, se libèrent un peu. Eux aussi naviguent d'une rive à l'autre, tantôt à gauche, tantôt à droite, pour y saisir des détails que l'on emportera à la fin de la balade. Tout est vert : le canot rouge dénote. La Charente est large et cernée par une masse d'arbres dont les parures bouffantes se jettent au-dessus de l'eau. Peut-être pour mieux s'y admirer.

Leur parure d'émeraude
Leur parure d'émeraude

Parfois se laissent voir les traces de la présence humaine. Dans le canoë, ou le kayak, puisqu'on y est assis, ils se demandent s'ils sont vraiment seuls ici. Ils distinguent un ponton, une grande demeure aussi où vivent probablement de chanceux châtelains. Nulle part, cependant, on n'aperçoit d'homme, de femme ou d'enfant, ni on n'entend leurs voix ou leurs cris. C'est le vent, seulement, qui, se lovant dans les feuilles des chênes et des châtaigniers, donne sa mélodie à la promenade.

Leur parure d'émeraude
Leur parure d'émeraude

Ils s'engouffrent dans un bras de la rivière. D'un coup, les rives se font plus proches : la végétation, en même temps qu'elle se fait plus menaçante, révèle aussi un luxe de détails. Encore des traces d'un passage humain : tracteur rouillé, ruines abandonnées : comme tout ceci est fugace. Le soleil parvient à percer, avec difficulté, cette armée de troncs et de branchages. Cela crée des jeux de lumière, indiquant une présence d'esprits ou bien d'anges.

Leur parure d'émeraude
Leur parure d'émeraude

Ils se sont arrêtés, ont mangé, sont repartis. Ils voguent sans parler maintenant, s'émerveillant en silence, le cœur gonflé de découvertes. Ils sont poursuivis par de petites traces lumineuses bleues et vertes qui virevoltent et disparaissent, et par une ribambelle de prophètes à huit pattes qui marchent sur l'eau. Bientôt la fin, se disent-ils. Ils se rassurent en se promettant d'y revenir. Ils imaginent d'autres rivières, d'autres petites escortes, d'autres forêts sous-marines. Ils touchent terre.

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  • : LM Voyager
  • : Récits de voyage, fictionnels ou poétiques : le voyage comme explorateur de la géographie et de l'histoire.
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