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22 mai 2013 3 22 /05 /mai /2013 18:00

Les portes se sont refermées. Nul bruit. Nos souffles seuls rythment le temps qui, de toute évidence, n’existe plus. La fraîcheur encore hivernale provoque des volutes fantomatiques, qui prouvent que nous, nous existons encore. Elles s’évaporent vite, ces  respirations éthérées. En attendant, quoi ? Qui ? Le silence demeure. La ligne absolue de la quiétude.

Le regard commence à s’habituer à la blanche clarté qui émane des murs nus. Chaque pierre se dessine par rapport à sa voisine. Au sol, des carrés immaculés leur répondent. Tout semble égal, uni, ressemblant. Et pourtant, au fond, une lumière. Une pureté vive, presque étrange, car elle semble se distinguer de l’ensemble.

Fontevraud 890

Si l’on prend la peine, ou que l’on trouve la force, de marcher, l’équilibre délicat se rompt. Le pied qui s’écrase sur la dalle, les bras qui reprennent leur mouvement, les yeux qui se croisent et s’interrogent. Ce n’est point un chahut, mais ce n’est plus le silence. En passant, les vivants côtoient les morts. Richard et Aliénor. Monuments à double titre, dans la vie et le trépas. Désormais, et pour l’éternité, dans le repos des succombés.

Fontevraud 901Fontevraud 906

Là est la source de la lumière. Mais elle a perdu de sa vigueur. Tranquillement, nous sortons, vers le centre du monastère. Lieu des débats, dans l’écoulement des heures. Une structure étonnante attend, tel un serpent serein qui aiderait les visiteurs à prendre de la hauteur. Le cloître est intact. Aujourd’hui désert, autrefois terrain de contacts.

Fontevraud 921

Les lieux conventuels ont gardé leur tradition. Puisque la parole était rare, elle était précieuse. La langue gardait une place assignée, qui était celle de l’humilité. Un seul recevait les humaines promesses, puisque celles-ci ne pouvaient être négligées. A Fontevraud vivaient hommes et femmes, unis chastement dans la peine dans le souvenir de Robert d’Arbrissel.

Fontevraud 926

Une nouvelle échappatoire s’offre. Certes, le vent bruisse et la terre grouille de ce microcosme éternel et laborieux. Néanmoins la tranquillité s’est aussi emparée de ces agréables jardins. L’herbe et la lande flottent également dans le souvenir de ces moines sérieux.  Et les arbustes, et la vigne continuent de saluer, après la nuit, les paisibles matins.

Fontevraud 959Fontevraud 951

Que ne sert-il de prier, quand la fin est la même ? Que ne sert-il d’implorer ce que l’on dit suprême ? A l’ombre des vents, des tentations et des énergies, une communauté avait espéré quand d’autres désespéraient. A l’écart des vivants, le cours avait suivi une pareille destinée. Il n’en reste pas moins cette abbaye, ancrée dans le monde, symbole de courage, de refus et d’humilité. Abbaye des louanges et des tourments, et de la paix.

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commentaires

B
Une belle visite qu'il ne faut pas rater. Chacun y retrouvera un lieu, un moment qui le marquera. D'Arbrissel et les abbesses en ont fait un lieu de spiritualité, Aliénor a réuni les siens après la<br /> mort. Aujourd'hui, la culture envahit les lieux, union d'hier, d'aujourd'hui et de demain.<br /> Vos commentaires sont toujours de bons gout. Bonne semaine
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L
<br /> <br /> Je crois effectivement que l'abbaye de Fontevraud est un lieu culturel essentiel, réunissant des perspectives historiques et artistiques intéressantes. Robert d'Arbrissel y aura créé un système<br /> intéressant où les femmes commandaient les hommes : triomphe de la femme diront les uns, avant de se rendre compter que l'effet recherché était l'humiliation supplémentaire pour les hommes afin<br /> de les rapprocher un peu plus du paradis. Quant à Richard Coeur de Lion, on pourra aussi s'étonner de le voir inhumé en terres françaises : ce serait oublier la part très continentale de son<br /> domaine Plantagenêt, et qu'il est même mort en France.<br /> <br /> <br /> L'art contemporain qui a investi l'abbaye rend aussi homage à la création artistique - ne serait-ce qu'architecturale - qui a présidé aux constructions civiles et religieuses qui nous sont<br /> parvenues.<br /> <br /> <br /> Merci pour votre commentaire, toujours plaisant et sujet à la discussion. A très bientôt.<br /> <br /> <br /> <br />
Y
Quelle agréable visite en votre compagnie !<br /> <br /> Il y a bien longtemps que je ne suis pas allée à Fontevraud et votre article me donne vraiment envie d'y retourner.<br /> <br /> Je vous souhaite un bon week-end.
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L
<br /> <br /> Merci pour le passage et le commentaire. Franchement : allez-y, allez-y ! L'abbaye est très bien conservée, très bien mise en valeur et offre plusieurs promenades en une : la spiritualité dans la<br /> nef, la tranquillité dans le jardin, l'exposition sur le passé pénintentiaire de l'abbaye dans les bâtiments conventuels. En plus, les prix sont raisonnables !<br /> <br /> <br /> <br />
T
Merci pour cette belle balade tout en douceur derrière tes pas. Un beau souvenir pour moi, j'ai visite Fontevraud il y a 23 ans !!!! que le temps passe.<br /> Bises, à bientôt
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L
<br /> <br /> Merci pour ton passage et ton commentaire, toujours très gentil ! A très bientôt.<br /> <br /> <br /> <br />
P
toujours aussi interessant tes articles !!! les photos sont sympas !! ça me donne envie de rentrer dans les églises !!<br /> mais, quel est donc ce grand huit ?!!!!
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L
<br /> <br /> Merci pour le commentaire. Le grand huit, c'est une installation qui permet de prendre de la hauteur, de voir le cloître comme on ne le verrait sûrement pas en y restant justement "cloîtré".<br /> C'est assez surprenant de trouver pareille installation dans une telle abbaye mais c'est très bien fait et ça offre, pour les photographes amateurs, de jolis points de vue !<br /> <br /> <br /> A bientôt !<br /> <br /> <br /> <br />
G
Frontevraud, c'est là que j'étais "cavalier"(service militaire) il y a maintenant 43 ans; Je n'et pas visité ce lieu que vous nous narré si bien.<br /> A +
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L
<br /> <br /> Merci pour votre commentaire. Il me semble que jusqu'à une période assez récente, Fontevraud était une prison. Parmi ses pensionnaires célèbres figure Jean Genêt, qui en tira, je crois, quelques<br /> poèmes.<br /> <br /> <br /> Si, dans vos pérégrinations cyclistes, vous arrivez à Fontevraud, prenez garde que les portes ne se referment sur vous !<br /> <br /> <br /> <br />

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