Le coq, solide et fier sur ses pattes, a chanté tôt ce matin. Son nom, célèbre dans tout l’empire, est le synonyme de luttes intenses, de batailles perdues ou gagnées, de soumissions et de pouvoir. Peu lui importe l’histoire ; c’est pour la gloire qu’il hurle, lui qui de ses plumes est fier et qui chaque matin, inlassablement, révèle le soleil aux endormis manants.
L’animal laissé à sa besogne ergote bruyamment. Mais l’attention est ailleurs, portée sur l’arc qui s’élève au milieu du sable. Porte solitaire, sans possessions ni frontières qu’elle peut délimiter. Porte sans cité, vestige qui triomphe des affres de l’oubli. Ses gardiens, blancs et à moitié effacés, souffrent doublement de l’absurde immobilité et de l’atroce cécité.
Le mausolée voisin est pareillement nu sur cette aire délaissée. Telle une lanterne aux proportions formidables, il s’est élancé sans peine dans ces infinies années. Sur ses bas-reliefs, l’on devine les scènes de guerre, et de chasse, qui reviennent au même. C’est en l’honneur de la mort qu’il fut dressé, pour celle qui fauche et pourtant est exaltée.
Glanum, désormais oubliée, fut urbaine prospérité. On y parla grec et puis latin, on y voyait les Alpes en sentant tout près les Apennins. Respecté de la nature, le site autorise ça et là de certains buissons les désinvoltures. Mais c’est la pierre qui règne ici, elle qui saigne en silence. Car le temps, aidé des hommes et du vent, a tôt fait de ravager les plus exquises créations, n’ayant de respect que pour lui-même et ses imprécations.
Sur les colonnes orphelines, plus aucune tuile ne retient les visites impromptues. Sur les colonnes orphelines, les crénelures creusent jusqu’à leurs pieds les anciens symboles de la postérité. Sur les colonnes, l’on voit le ciel, qui aujourd’hui a tout loisir d’observer scènes privées et intérieurs délaissés. L’on pénètre sans égards dans les pénates et les boutiques, essayant de saisir les secrets de toute cette vie antique.
Au fur et à mesure que l’on s’y enfonce, vers les confins où se dressent les collines, l’on passe les stèles où apparaissent les prières et les promesses destinées au héros aux douze travaux. Peu avant, les temples, désuets et décharnés, imposent par leur hauteur l’imagination de leur gloire passée. Ils font face à la source ancienne, gauloise, païenne parmi les païennes, guérisseuse des maux et origine du mot.
Par un chemin de terre sèche et de pierre, le panorama se découvre. Les criquets, ces fervents Provençaux, rivalisent à nouveau de chant et d’endurance. En contrebas, les maisons, les termes, le forum, les étals, les atrium paisibles et les pavés battus par les roues de charrette, les prêtres et les notables, les légionnaires, les marchands, les enfants, les princes et les dieux, enfin, reviennent une dernière fois sur les ruines de l’empire.