D’abord timorée, la pluie s’était faite drue en atteignant la nuit. Quand, au petit matin, les premiers chants et les discrets bruissements avaient commencé, une franche clarté offrait le silence et la paix à ce paysage au sommeil troublé.
Dans la forêt, les arbres forment un mur dans lequel les couleurs se reflètent comme mille parures. Des cinabres et des dorés, des émeraudes ou des orangés, l’automne a laissé derrière elle ses souvenirs abîmés. Dans un geste de bonté, le vent souffle les feuilles qui étaient là restées. Le chemin s’enfonce dans la plus grande pureté.
En chaque parcelle est un important détail dans cette orée qui s’est faite muraille. La vie s’agite et se débat ; de microscopiques acteurs s’excitent dans un grandiose branle-bas. Des architectures incroyables s’élèvent, font montre d’une virtuosité originale pour rivaliser avec nos rêves. Des champignons acrobates, quand de leurs troncs ils s’écartent, joignent une franche audace à celles des plantes qui naissent et qui s’ébattent.
Le chemin s’arrête à un carrefour anonyme dans ce labyrinthe normand. Une chapelle comme une torche scintille dans ce singulier environnement. A ses côtés, éparpillées et fatiguées, des pierres comme des stèles veillent sur un territoire où murmurent la torpeur et l’étrangeté. Dans les sillons granitiques ont été gravés des messages pathétiques, en appelant au ciel et à ses envoyés.
De nouveau la route s’éloigne, traçant une ligne de fortune dans cette forêt des runes. L’on arrive à une tour, isolée et solitaire, qui brave les éléments et du temps les misères. C’est le bon vouloir qui la tient debout, cette sentinelle près de laquelle on se sent, du monde, au bout. Du gris édifice miroitent, comme autant de diamants, les reliefs rudes de la pierre, témoins de ce pays où le temps se suspend.
La curieuse promenade se finit sur les bords d’un lac. Autour de lui, une ville a poussé. Elle se mire dans l’eau, s’y admire, comme une jeune épousée. Elle voit son style, observe ses contours, brille dans la nuit pour ceux qui ne l’ont vu de jour. Une belle Bagnoles, au nom rutilant, qui dans cette Orne, allie les plaisirs de l’homme aux naturels élans.
D’abord le soleil s’était levé sur cette campagne lavée. Il avait, à son zénith, réchauffé corps et cœurs, faune et flore. D’abord l’homme s’était fondu dans la nature avant de s’en détacher. Mais dans les territoires autrefois sacrés règnent toujours les âmes des saints et des damnés.