Les autos arrêtées n’osaient lever les yeux vers l’azurée cité. Pis, elles patientaient, pataudes, devant la beauté qui brûlait de l’autre côté. Alors, les délaissant, il fallut pousser l’avantage et se réduire à être happés par cette apparition bleutée. Alors, les oubliant, il suffit de traverser la frontière, mince bande toute grise, et tenter l’expédition désirée.
Les premières pierres rendent une autre lumière. Elle est douce et brille plus chaudement que ce qui fut d’abord aperçu. Les vieux angles polis gardent l’âpreté de ce qui a vécu. Car les premières pierres racontent aussi la terre sous les pas. D’ailleurs, elles en ont, pour certaines, préservé la couleur.
La montée lente se fait légère, presque facile. La lauze et l’ardoise, discrètes, sont invisibles pour qui entame l’ascension. Mais elles reviennent bientôt à la vue, elles et leurs teintes qu’on peine à définir ; est-ce bleu, est-ce gris, est-ce heureux qu’elles s’en moquent et qu’elles s’allient ?
Aux murs, l’habituelle végétation acrobate, qui parait bénigne mais se la joue aristocrate. Car ce ne sont plus des maisons, mais des palais, ces petits pénates aux pâles façades et qui luisent, un instant, à la faveur d’une douce et tendre fleur. Car l’habituelle végétation ne l’est jamais vraiment, et se pencher sur les détails qui la font originale peut prendre un bon moment.
De ces résidences aux princes sans terres, il y en a une qui possède bien mieux : c’est la gloire. Le nom célèbre, tombé dans les plaines de Bade, resplendit ici sans que le nom ne s’y rende. Pourtant le château garde le souvenir, ou l’espoir, de batailles anciennes. Sa tour seule, comme à la proue d’un navire, regarde l’océan vert qui annonce le Périgord. Son autre tour, rude et carrée, surveille, elle, ses ouailles, comme si l’on eut pu les lui enlever.
Quelques jardins en terrasse et des volets fermés, pour pouvoir se heurter. La promenade est un labyrinthe libre dont les seules issues sont d’autres obstacles qui ravissent l’œil mais perdent la raison. Même le clocher ne joue plus au rôle du salvateur ; tel une sirène, il convoque puis enferme qui aura cédé à son espoir.
Retenus, mais pas perdus, il suffit de baisser les yeux pour éviter l’enchantement des pierres de Turenne. Le goudron devient guide et le charme, sans s’estomper, perd de sa terrible attractivité. Les autos arrêtées sont toujours sises où on les avait laissées. Le périple reprend.