Au Moyen Âge, les foires eurent un rôle retentissant dans la vie économique et sociale de l'Occident européen. De toutes les places fortes qui accueillirent maints marchands, il en est une qui a conservé jusqu'à aujourd'hui les vestiges de sa particulière importance. Voisine d'une Champagne où ne règnent plus les comtes protecteurs des espèces sonnantes et trébuchantes, Provins demeure une cité prestigieuse.
Aux confins de la Brie, Provins jouit d'une position avantageuse. Ses remparts blancs dominent la ville neuve, héritière d'une période où la cité devenait, quelques temps du moins, le centre des attentions commerçantes, depuis les Flandres jusqu'en Italie et de la mer du Nord à l'Orient.
Les Thibault, les Hugues, les Henri planent encore sur la ville. Ces murs, blancs et blonds à la fois, ont été érigés par leurs volontés. A commencer par les murailles hautes et fortes qui jaugent le plateau briard des alentours, terre fertile dont sont sortis tant de trésors. En épigones disciplinés, les pans défensifs disent une histoire mal assurée, une histoire où l'imagination a tous les droits, une histoire où Provins nourrissait la Champagne et le royaume de France.
Le calme d'aujourd'hui contraste très probablement avec l'agitation impétueuse qui étreignait la cité marchande aux XIIème et XIIIème siècles. Les lards, les vins et les étoffes ont disparu, laissant orphelins les pavés et les blocs nus des maisons. Sur la place centrale, les étals se sont volatilisés et des échoppes modernes ont installé là leurs quartiers.
Entre les hôtels particuliers et les tavernes délaissées, un puissant souvenir subsiste. Pas seulement une tour, pas seulement César ; c'est un auguste château fort. L'imposante toiture couvre une antique charpente du XVIIème siècle. Les étages inférieurs capturent la fraîcheur du jour entre leurs pierres découvertes, là où des tapisseries retenaient autrefois la chaleur de leurs fils.
De son éperon, la grosse tour surpasse son rival de clocher. Celui-ci, seul sur sa place d'automne abandonnée par les feuillages des rares arbres solitaires, soutient aisément la comparaison avec la mince forteresse d'en-haut. Puissante et austère dans son style gothique, la collégiale Saint-Quiriace traîne son inachèvement avec légèreté.
Il flotte dans les rues de Provins un air de bonhomie. Plus de soldats, plus de marchands, encore moins de moines. Le fatras et les bousculades ne sont plus. Les pavés peuvent désormais sentir le vent se faufiler entre les herbes folles qui les peuplent. Et les murailles de veiller un paysage champêtre paisible. L'histoire change, les pierres restent.