Les confluences sont recherchées. Elles permettent la multiplication des directions et la richesse des horizons. Le hasard est laissé au placard, quand il s’agit de déterminer les causes historiques d’une implantation. Et, dans le cas de Lyon, le coup de dé était pipé : vers la mer ou les montagnes, vers les plaines et les campagnes, point n’était besoin de tergiverser : l’endroit était tout trouvé.
La Saône et le Rhône s’étaient rencontrés, laissant de leur amour naître un beau fruit urbain. La ville a grandi, poussé, étiré ses membres sur des kilomètres carrés. Méconnaissable pour le Romain, le Franc ou le Dauphinois, elle rugit d’autant plus fort que toute cette dynamique semble dire : « encore ». Pourtant, la ville n’a plus sa prime jeunesse. Le vieux Lyon en témoigne, sans allégresse.
Sans allégresse mais sans sécheresse non plus, avec l’humilité convenant aux choses surannées. A l’écart du centre bruyant, où se rencontrent acheteurs et commerçants, le noyau originel est tout en placettes et ruelles. La seule place d’importance est dominée par la cathédrale, temple d’or aux voussures détaillées et à la stature magnifiée.
Les rues verticales donnent le vertige. La tête délaisse le corps pour voir plus haut. Mais ce haut ne laisse rien voir, derrière ses fenêtres fermées et ses crépis orangés. Bien plus, il cache le ciel, en ce jour si bleu, et le soleil si généreux. Le faite apparaît ainsi illuminé quand la base plonge jusqu’aux pavés sombres. La foule sème l’inquiétude, heureusement.
Si les couleurs sont peu diverses, oscillant entre la fureur rougeoyante et le scintillement jaunissant, le jeu des lumières les fait enchanteresses. Le tout sous la protection de plusieurs statues et symboles, nichés dans les angles, écartant les bras ou dressant la poitrine, priant sagement ou crachant une verve muette.
L’ombre de la Fourvière plane sur ce beau quartier. Mais avant d’y songer, il faut flâner. Passer entre les corps, lorgner sur les bouchons qui affichent complets, espérer la rose praline. Les arbres en fleur de ce début d’été apportent la blancheur aux façades, quand les escarpés escaliers, à gauche, à droite, proposent de courts voyages, de simples aventures sans ambages.
Les vieilles tourelles sont restées derrière. Le Vieux Lyon aussi. A la foule des voyageurs se mêlent ceux du cru, attendant à l’ombre d’une terrasse ceux qui passeront dans l’échoppe. Alors, pour ceux qui passent la Saône, appelés par le Rhône tout proche et la grande place de Bellecour, reste l’impression de ces chemins délaissés et de cette vie abandonnée. Mais il ne faut rien exagérer, et garder en tête cette atmosphère : celle d’un îlot isolé dans l’histoire.