Non, je ne me lancerai pas, dans cet article, dans le périlleux exercice du poème. D'autres le maîtrisent bien mieux que moi.
En revanche, la quasi homophonie entre les deux termes s'accorde aussi bien à l'oreille que dans l'esprit ; car l'Aude est une terre poétique. Poésie des couleurs, poésie de la flore, poésie de ces châteaux inexpugnables.
L'Aude est une terre lointaine. Une terre fière. Des reliefs accidentés, des couleurs rudes, des roches sauvages, la chaleur estivale rafraîchie par les altitudes et la mer proche. Ce pays est réellement à part ; profondément attachée à son patrimoine, à son histoire, à son côté indompté. Voilà pour le décor. Brute et sans concession, l'Aude sait pourtant exploiter parfaitement son héritage.
Nous avons choisi, pour présenter notre parcours dans ce pays, de diviser l'article en deux. De façon arbitraire, nous avons choisi une division par la géographie des monuments présentés : une partie orientale centrée sur Perpignan – qui fera l'objet d'une deuxième partie – et une partie occidentale, centrée sur Carcassonne, présentement exposée.
Partons de suite le plus à l'ouest, sur l'un des lieux les plus symboliques de l'histoire locale. Sur cette terre, il y a plus de 800 ans, des hommes et des femmes ont cru à un autre christianisme. Loin de moi l'idée de vouloir faire l'apologie de ce qui fut désigné par l'Eglise catholique comme une hérésie. Le catharisme a ici connu ses heures de gloire mais aussi ses heures les plus sombres, celles qui l'ont condamné. Le château de Montségur, tout particulièrement, fut l'un des lieux les plus tragiques de cette histoire albigeoise – on désignait alors les Cathares sous ce nom d'Albigeois – puisque c'est ici, le 16 mars 1244 qu'ont été brûlés environ 200 Parfaits.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que Montségur se mérite. Perché au sommet d'une montagne aux flancs boisés, le château n'est accessible que par un petit sentier qui fait très certainement regretter l'abandon des bonnes résolutions de la nouvelle année. Le sport peut être parfois salvateur ! En haut, l'intérieur du château est entièrement vide ; pas de cloisonnement, l'édifice se résume à ses murs d'enceinte dominés par une tour détruite à son sommet. Ainsi peut-on dire que Montségur, c'est surtout une ambiance et une histoire. Pour autant, il n'y a pas de déception. Aux alentours, le paysage magnifique et sombre s'étend à perte de vue.
La route du pays Cathare nous mène ensuite à Lapradelle, petit village dominé, lui aussi, par un château inaccessible, Puilaurens (à ne pas confondre avec Puylaurens !). L'ascension au château se fait par un chemin de pierre, cerné de moyennes murailles qui zigzague à flanc de montagne.
Le château a longtemps abrité des Cathares avant d'être annexé à la couronne de France, aux alentours de 1250, devenant alors la forteresse la plus méridionale du royaume, gardienne impassible face aux royaumes espagnols. En meilleur état que Montségur, Puilaurens garde en son sein quelques pans de murs en très bon état qui indiquent au visiteur l'agencement d'un château médiéval. Là, une tour ronde qui devait servir d'abris aux hommes de guet ; ici, des murs crénelés derrière lesquels se tenait la soldatesque prête au siège ; là enfin, des pans de murs qui s'avancent depuis la muraille indiquent probablement quelque atelier d'artisan ou quelque une écurie.
Encore une fois, le panorama est remarquable. En contrebas, quelques toits orangés luttent timidement avec l'immense manteau vert qui recouvre ces géants de pierre.
Dernière étape de ce premier article, et non des moindres, Carcassonne est, sans conteste, l'une des plus belles oeuvres de Viollet-le-Duc. Car la cité aux allures médiévales a bien été restaurée par le génial architecte du XIXème siècle. Pourtant, arrivés au pied de la muraille, nous ne pensons qu'à savourer notre plaisir. Et celui-ci est immense.
Devant nous, hautes murailles et tours altières se dressent. Deux enceintes enserrent la cité. À l'intérieur, le plaisir est quelque peu gâché par les (trop) nombreuses boutiques à touristes qui pullulent sur les rues. Nous retrouvons notre gaité quand nous arrivons devant le château des Trencavel, vicomtes de Carcassonne. La visite des intérieurs se complète par une promenade très plaisante sur les remparts. La cité se découvre à nos regards, toits rouges et arbres méridionaux se superposent les uns aux autres.
A peine sortis du château, nous filons vers la basilique Saint-Nazaire, ancienne cathédrale de la ville, construite entre le XIIème et le XIVème siècle. L'intérieur, sobre, est cependant remarquable par ses vitraux. Quant à l'extérieur, c'est une masse imposante – bien que de taille modeste – rappelant l'esprit forteresse de la cathédrale d'Albi.
Notre trajet s'arrête ici pour le moment. Nous le reprendrons pour aller plus au sud pour d'autres châteaux, d'autres grands sites naturels et d'autres histoires. Un voyage au pays Cathare, au coeur de l'âme occitane.