Infini, il s’étend d’ici à là-bas et il invite au rêve et au désespoir, avançant sans cesse sur ce qui lui résiste, grignotant l’abondance pour y imposer la sécheresse, pour s’y poser à toute vitesse, disséminant ses enfants qui s’égrènent et se décomptent par millions, par milliards même, et forment ensemble le plus homogène des paysages, la promesse de l’agonie.
Bravant le danger, bravant l’ensevelissement qui menace, la route ici passe et trace les derniers liens qui unissent ce lieu, ou bien celui-là, et tel autre encore, à la ville lointaine, à la mer d’un bleu qu’on ne voit pas jamais, aux hommes qui se méfient d’ici, au grand lac salé dont les eaux dorment profondément et dont les couleurs s’avivent aux premiers rayons du soleil.
Le noir bitume résiste encore, gargouille bruyamment quand midi sonne, mais le jour n’est pas prêt de finir et le soleil brûle déjà les peaux et la terre, où se perdent paysans et imprudents, qui ne se repèrent qu’à la marque blanche des minarets d’où sourde, malgré l’absence du muezzin, le long appel de l’envie d’être sauvé.
Du haut des collines d’or s’additionnent ses sœurs jumelles, nombreuses à en perdre la tête et qui invitent à s’y perdre et à les conquérir, de ce point jusqu’à la fin, et avec elles ces caillasses écrasées, ces rocs acérés, et avec elles leur ressemblance inquiétante, cette répétition presque artistique qui fait soudainement sens avant de faire perdre le nôtre comme se perd le regard qui tente d’y voir une différence, un point de rupture.
A chaque sommet séparé de son congénère, c’est un trou qui apparaît ou qui doit être, mais trop pressés nous dévalons la pente, et apercevons la blessure, le puits peints de blanc en son fond où les degrés ne s’aventurent guère, et nous contemplons cet habitat simple et sain, au toit fait de sable et de grains, voire de graines qui sèchent là à l’ombre des cactus et des dattiers.
Si le silence est demeuré, l’obscurité a fait son entrée dans cet intérieur protégé du mauvais œil par les mains bleues, avant que l’intimité ne nous absorbe, dépouillée, nudité, dans tous ces menus objets depuis les pots de toute taille aux tapis et paillasses qui servent aux pieds et aux dos fatigués, tous ces bibelots sans valeur qui annoncent le retour au temps passé, aux quotidiens en toute simplicité.
Le refuge de l’humanité est resté en bas, il nous faut retrouver notre chemin dans ce monde si inhabituel, où ne nous surprendrait jamais une rencontre étrange, sinon celle d’hommes, nos semblables, mais dans ce monde où nous sommes vulnérables est restée l’envie de l’échange, même si c’est redoutable car c’est envoûtant dans ce Matmatah étouffant.