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5 février 2018 1 05 /02 /février /2018 19:00

Il est abreuvé de lumière. Une lumière de printemps, doucement chaude, née il y a peu et qui s’étire encore. C’est le matin. Face à Charles, le bleu de la mer tranche avec celui du ciel. Le ressac de la mer et le souffle du vent sont les seules musiques qui se font entendre. Son chevalet est solidement planté dans le sable, la toile est encore blanche, toutes ses peintures et tous ses pinceaux se reposent sur un vaste drap à ses pieds étendu.

Quelques pêcheurs : ceux qui ont préféré attendre un vent plus favorable, ceux qui ont eu du mal à se lever, passent loin de lui. Ils embarquent sur leurs frêles esquifs, se lancent à l’assaut de la mer, à la recherche des trésors de chairs blanches. Les embarcations sont rudoyées par les vagues : une première puis une deuxième tancent ces intrus quotidiens, devenus au fil des ans et des générations des familiers. Les vagues interrogent, mettent le doute : celui qui ne veut pas aller sur mer peut tout aussi bien faire demi-tour.

Pêcheur de lumière
Pêcheur de lumière

Charles a jeté ses premières couleurs sur la toile. Du bleu, essentiellement. Au fur et à mesure, il ajoute du blanc pour éclaircir, pour faire de ce bleu un ciel opalescent. Et puis, tout à coup, il change. Ajoute du noir au bleu, rendant la mer sombre, menaçante malgré le soleil qui la réchauffe, une mer comme une frontière qu’on ne traverse pas, une mer comme un mur qui arrête et force à rebrousser chemin. Une mer terrible qui bave jusque sur les côtes sa blanche écume.

Pêcheur de lumière
Pêcheur de lumière

Les pêcheurs reviennent. Pas de poisson aujourd’hui : la mer est trop mauvaise. L’un d’eux a failli basculer par-dessus bord. On l’a retenu in extremis, mais il en est encore tout secoué. C’est le métier qui rentre. L’autre argue qu’il a plus de quarante ans. Et alors ? Le métier rentre toujours. Surtout quand c’est la mer qui vous l’apprend. La prochaine fois, tu seras plus prudent. Charles surprend leurs conversations. Il leur adresse un signe. Ils viennent. Pourquoi peindre la mer, c’est toujours la même. Non, elle change. Si vous le dîtes.

Pêcheur de lumière
Pêcheur de lumière

Charles reste sur la plage quelques minutes encore. Il est précis, minutieux, presque obsessionnel. Ses yeux accrochent tout : chaque détail, chaque scintillement de lumière. Il traduit ça avec son pinceau, puis juge que c’est terminé. En fait, ce n’est jamais terminé, mais il y a un moment où l’on sait que c’est là le mieux que l’on pourra rendre. Il faut s’arrêter là, au risque de tout gâcher, sinon. Il replie le drap qui accueillait son matériel, glisse la toile sous son bras, reprend son chevalet, pour un peu manque de perdre son chapeau à cause du vent. Il se retourne, voit le petit village, Trouville, est charmé par la lumière. Il repose son chevalet, étale à nouveau le drap.

Pêcheur de lumière
Pêcheur de lumière

La criée s’est tue. Les ventes ont été misérables, chacun espère que ce sera mieux le lendemain. A l'auberge où pêcheurs, acheteurs et commerçants en tout genre se sont réunis, on parle de l’homme qui peint. Il vient de la grande ville. On dit même : de Paris. On commente, on discute. Certains ne trouvent rien de bien joli à fixer sur la toile, ici. D’autres, au contraire, savent et ont toujours su que l’endroit était particulier. La venue du peintre ne fait que le confirmer.

Pêcheur de lumière
Pêcheur de lumière

Il est l’heure pour Charles de rentrer. A Paris, évidemment. Mais ce qu’il a vu sur cette côte normande : les maisons courageuses face à la mer, les embarcations chahutées, cette plage immense, c’est dans l’éternité qu’il voudrait le fixer. A son retour, il parlera, il racontera, il vantera, peut-être même exagérera-t-il un peu. Pour qu’à sa suite, on vienne et, sur de grandes toiles blanches, le chevalet planté dans la terre ou dans le sable, on capture encore un peu de cette lumière.

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30 janvier 2018 2 30 /01 /janvier /2018 19:00

Pour une fois, il descendit de la carriole sans éprouver une seule douleur. En effet, il avait déjà tant voyagé qu’il ressentait régulièrement des douleurs dans le dos et dans les jambes. Sous ses pieds, une fine pellicule de roche crissa légèrement. Son épouse, à son tour, le suivit et, derrière eux, leur fille, âgée de quatorze ans déjà, sauta à pieds joints sur le sol que l’on avait, au préalable, finement ratissé.

Le château offrait une vue formidable sur la vallée et sur les verts monts qui lui faisaient face. C’était une bâtisse solide, munie de tours d’angles, que la paix dans la région avait transformée en une demeure calme et spacieuse. A l’intérieur, les grandes salles et les boiseries finissaient de mettre madame à son aise, cependant que mademoiselle parcourait frénétiquement les couloirs. Monsieur, lui, se rendait déjà dans son cabinet de travail. Il avait des plans à établir.

Faveurs et défaveurs de la guerre
Faveurs et défaveurs de la guerre

Les plans lui avaient tout donné. Une place auprès du roi. La sécurité du royaume. La reddition de Maastricht. Et, par conséquent, les plans lui avaient donné ce château, acheté par les deniers royaux puisque le roi, ainsi, voulait récompenser celui qui l’avait tant aidé. Bazoches retournait à Vauban et Vauban retournait à Bazoches. Le titre de propriété de ce château était écrit à l’encre de sang et, sur le papier blanc, se lisaient les années de labeur.

Faveurs et défaveurs de la guerre
Faveurs et défaveurs de la guerre

Les domestiques investirent bientôt le château et, avec eux, commença le tintamarre de l’emménagement. On portait les meubles, on soufflait bruyamment à cause de l’effort, on installait à grands bruits les casseroles en cuivre et les poissonnières encore vides. Dans son cabinet, Vauban travaillait. Dès les premiers jours, il reçut des ingénieurs qui venaient lui rendre des comptes. Au soir tombé, heureusement, il retrouvait sa femme et sa fille, heureuses d’être loin, loin du fracas de la guerre.

Faveurs et défaveurs de la guerre
Faveurs et défaveurs de la guerre

Il fut rappelé cependant à la cour. Il reprit la carriole, seul, laissant derrière lui ces deux êtres qu’il chérissait tellement. De nouveau, il travaillait, et ses aides avec lui, traçant, dessinant, mesurant, évaluant les distances et les risques, révélant les meilleurs accès à une place et ceux qui ne laisseraient aucune chance aux soldats. La guerre reprenait : il le fallait bien puisque la menace était partout.

Faveurs et défaveurs de la guerre
Faveurs et défaveurs de la guerre

On vit Vauban voguer sur ce grand océan qu’était le royaume de France. Aux frontières il allait fortifier et protéger, projetant sur place ce que, sur le papier, il avait dessiné. Il réglait les problèmes, en décelait d’autres, invisibles aux yeux de ceux qui l’entouraient, élaborait de nouvelles solutions. On le vit aussi aux Pays-Bas, en Allemagne où, pour lutter contre les Espagnes, il attaquait et défendait sans relâche.

Faveurs et défaveurs de la guerre
Faveurs et défaveurs de la guerre

Il revint enfin au château. Les années avaient passé et ses cheveux avaient blanchi. Sa fille aînée était mariée et la dernière née de la famille lisait déjà doctement les auteurs qui peuplaient la bibliothèque. Son épouse, elle aussi, avait les traits tirés de celles qui ont longtemps attendu et ne se réjouissent que d’un sourire. Mais, dans ses yeux, il lisait comme sur un plan, et ce qu’il voyait avait pour noms résignation et tendresse.

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24 janvier 2018 3 24 /01 /janvier /2018 19:00

Sous les trois haut-de-forme, la sueur coulait abondamment. Les raisons, cependant, différaient. Les frères Richard, propriétaire de la firme du même nom, étouffaient sous la chaleur accablante et pourtant inattendue dans ces contreforts des Ardennes belges. Le sir Shankly, lui, s’inquiétait fortement de ce projet que les frères sus-cités lui avaient présenté. Projet peu fiable, à son avis, et même dangereux pour les finances. Les siennes, évidemment. Celles des frères Richard ne le regardaient pas.

Ils l’avaient invité à venir voir par lui-même. Vierves, sise sur la petite rivière du Viroin, plaisait naturellement à l’œil, dominée qu’elle était par son château étrange. Cependant le caractère paysan du village n’inspirait pas confiance à Shankly. Les frères Richard, eux, n’éprouvaient aucun doute quant au succès que rencontrerait leur projet ainsi que sur le fait que le sir Shankly souhaitait y investir des parts. Le doute, de toute façon, n’était pas permis. Pour grandir, il fallait payer. Pour payer, il leur fallait trouver quelqu’un.

Un bon filon
Un bon filon

Ils étaient là, sur le quai, tous les trois, transpirant dans leurs redingotes trop serrées, leurs mains moites serrant frénétiquement leurs montres à gousset, quand le meuglement terrible de l’acier roulant leur parvint. Arrivé à leur hauteur, le cheminot, un jeune homme d’une vingtaine d’années à l’œil perçant et au sourire enjôleur, les reconnut et leur fit signer de monter. Il dut toutefois s’employer à les tirer du quai, ces messieurs ayant l’habitude des voitures confortables de la vie londonienne, incapables qu’ils étaient d’un pareil effort.

Un bon filon
Un bon filon

Bien-sûr, la chaleur devint intolérable puisque la locomotive était sans cesse nourrie, cette bête immense et fort utile étant évidemment une véritable ogresse pour ce qui était du charbon. Nulle place assise pour ces messieurs à qui les banquettes douillettes en cuir manquaient cruellement. Le bruit également rendait difficile, pour ne pas dire impossible, toute conversation. Le sir Shankly rougissait de chaud et blanchissait d’effroi. Les frères Richard, dans un premier temps, firent mine de ne pas s’en apercevoir.

Un bon filon
Un bon filon

Ils quittaient Vierves, ses petites maisons, le méandre de sa rivière, les faces ahuries de ses habitants, sidérés de voir monter à bord du train ces messieurs si bien habillés. Derrière eux, des wagons renfermaient les trésors de la région : houille, bois, ardoise et minerai de fer, destinés aux industries toutes proches. Les rails traversaient même la frontière, passaient en France, déversant où on le demandait ces formidables attraits que jusqu’ici, la Belgique n’avait pu exporter.

Un bon filon
Un bon filon

Il est vrai que les frères Richard avaient apporté leurs compétences et leurs finances pour secourir ce petit État, ami des Anglais. Mais la philanthropie était l’une de leurs qualités les mieux dissimulés et, il faut le comprendre, les frères Richard, après avoir dépensé de l’argent, désiraient ardemment en gagner. En ce jour de juillet, ils sollicitaient l’appui du sir Shankly, connu à Londres pour ses féroces appétits financiers, pour étirer la ligne et se remplir un peu plus les poches de menue monnaie.

Un bon filon
Un bon filon

Arrivés à Lompret, ils durent s’arrêter. On les aida à descendre et ils demeurèrent là, stoïques dans la fournaise, tandis que les stères de bois étaient chargés. L’un des ouvriers, arrivé à leur hauteur et dissimulant mal sa peine, leur hurla de se pousser pour éviter, c’était charmant de sa part, qu’ils soient blessés. Le sir Shankly opta définitivement pour le blanc et, avant de s’évanouir, salua ses congénères. Pendant qu’on venait en aide à ce brave banquier, les frères Richard opinèrent que ce Shankly manquait décidément de souffle pour qu’ils fissent affaire avec lui.

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18 janvier 2018 4 18 /01 /janvier /2018 19:00

Qu’ils étaient jeunes, et beaux, ces Romains. Du voyage, je me souviens qu’ils n’avaient conservé aucune fatigue. Nous les attendions fiévreusement depuis des semaines et, tous les jours, leur arrivée encombrait un peu plus nos pensées, gênait un peu plus nos gestes tant il nous tardait de les voir. De ce fait, la situation était inverse à ce qu’elle devait être : nos visages émaciés contrastaient avec les leurs, lisses et juvéniles.

Les deux évêques partirent dans le cloître pour se promener. Nous éprouvions pour celui de Metz une grande admiration, car il était aussi le fondateur de notre abbaye, et nous le savions proche du secret impérial. Malgré une taille moyenne, il possédait une stature impressionnante et sa voix, sûre, provoquait le silence lorsqu’elle naissait. Quant à l’autre, celui de Rome, certains d’entre nous s’étaient jetés auprès de lui comme auprès d’un père et, d’un geste rassurant, il les avait relevés en souriant.

Rencontre des enchantés
Rencontre des enchantés

Ils s’éloignèrent, cherchant la quiétude du cloître pour entretenir leur vieille amitié. Nous savions que l’heure était au labeur : les Romains venaient en maîtres et nous ne nous imaginions pas en élèves. C’était pourtant la volonté des deux sages qui venaient de se retirer. Nous autres savions que Gorze rayonnait déjà dans l’empire et que cet empire n’avait plus pour centre les sept collines mais les vertes forêts et les terres fertiles de la Francie.

Rencontre des enchantés
Rencontre des enchantés

Il était étrange de travailler à un tel sujet. Les Romains nous montrèrent leur sens de la liturgie. Nous écoutions, impressionnés par leurs voix d’une justesse divine ; toutefois cela sonnait faux pour nous, car nous ne reconnaissions rien de notre culte dans cette manière de chanter. Les chants vieux-romains et gallicans résonnèrent ainsi tout le jour dans notre abbatiale, et chaque groupe y mettait toute l’ardeur que l’humilité autorisait.

Rencontre des enchantés
Rencontre des enchantés

Les Romains comprirent assez vite que nous ne voulions pas de leur chant. Tandis qu’ils commençaient un cantique ou un psaume, nous refusions de prendre leur suite. Nous recommencions l’un de nos textes, chanté à notre manière, ce qui ne tarda pas à créer non seulement quelque confusion mais également quelques heurts. Car ils prenaient pour insulte et vil orgueil la défense de nos us, et nous refusions d’accepter cette manière de célébrer qui heurtait et notre foi et notre art.

Rencontre des enchantés
Rencontre des enchantés

Quelques jours passèrent ainsi. Sans cesse nous reprenions nos travaux et sans cesse, nous les suspendions pour nous disputer avec les Romains. Chrodegang, notre évêque, vint alors pour nous persuader d’accepter ce que, depuis des jours, nous refusions obstinément. Et sa voix grave rencontra alors ce que, jamais, elle n’eut à affronter : notre résistance. Et il usait de mots doux puis enfin de menaces, avant de partir, furieux de nous voir nous accrocher à ce chant gallican qu’en ancienne Gaule, nous adorions depuis si longtemps.

Rencontre des enchantés
Rencontre des enchantés

Cependant, la situation changea. A force d’écouter ces jeunes et beaux Romains exercer leurs voix, nous nous imprégnâmes de leur liturgie et, sans en nous rendre compte, nous mariâmes peu à peu nos chants pourtant si différents. A la veille du départ du pape, les Romains nous laissèrent célébrer à notre manière. Celle-ci n’était pas la leur, évidemment, mais ce n’était plus la nôtre. Et, au plus fort des louanges chantées, je pus voir le visage du pape Étienne. Il était émerveillé.

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12 janvier 2018 5 12 /01 /janvier /2018 19:00

Anonyme, il était arrivé. Seul, à la gare, il avait attendu qu’on vienne le chercher. Exactement vingt minutes après son arrivée, une petite délégation était arrivée. Cinq personnes en tout, dont un représentant du personnel et le directeur des ateliers, deux élus locaux et une femme, dont il ne pouvait dire exactement quel était le rôle ou la profession, mais qui avait été jusque-là son interlocutrice. Celle qui l’avait fait venir. Ils montèrent dans deux voitures (des Citroën) et rejoignirent les ateliers.

Le silence du trajet se brisa lorsqu’ils sortirent enfin de la voiture. Plusieurs ouvriers et ouvrières se tenaient là, patientant sûrement depuis de longs moments, car l’activité était rare dans les ateliers, et l’on attendait le nouveau maître comme des moribonds attendraient un miracle. Le maître, homme de taille moyenne et dégarni, raison pour laquelle il portait un chapeau puisque le soleil était très présent depuis le début de l'été, se présenta en quelques mots. Il était enchanté de venir et avait hâte, affirmait-il, de commencer à travailler.

Du jamais vu
Du jamais vu

De retour dans les ateliers de la manufacture, il se forma un grand cercle autour de l'homme venu de Paris. Filateurs, teinturiers et lissiers faisaient silence comme dans une communion des métiers. Celui de Paris ouvrit alors le grand sac de toile blanche que, depuis la gare, il traînait difficilement. Il en sortit des esquisses et des cartons et, sur la table face à lui, il les disposa. Il y en avait comme ça cinq ou six, plus ou moins terminés, plus ou moins ébauchés, dessinés simplement au crayon ou déjà entièrement colorés.

Du jamais vu
Du jamais vu

Le silence se prolongea. Parmi l’assemblée, personne n’osait prendre la parole. Alors, celui qui venait de Paris se tourna vers eux et leur demanda leur avis. Évidemment, nul n’osa le donner. C’est que, forcément, ces dessins qui leur étaient présentés tranchaient radicalement avec le matériau qu’ils avaient l’habitude de travailler. Depuis des siècles, Aubusson fabriquait des tapisseries dont les codes étaient bien établis. Les cartons exposés indiquaient une nouvelle voie à suivre.

Du jamais vu
Du jamais vu

L’artiste insista : si l’on n’aimait pas, on pouvait le dire. Ce n’était pas qu’ils n’aimaient pas, non, mais cela surprenait. Quelques lissiers osèrent : ils aimaient, oui, ils aimaient, à vrai dire cela les stupéfiait tellement qu’ils en restaient bouche bée. Tous y allèrent alors, avec timidité souvent, de leur petit mot d’approbation. Qu’ils apprécient les cartons facilitera la collaboration, indiqua le maître. Car artistes d’un même corps nous sommes : j'en suis les yeux et vous en êtes les mains.

Du jamais vu
Du jamais vu

Ces paroles marquèrent l’auditoire. Jusque-là, c’était des ouvriers, des artisans, habiles et dextres, certes, mais dont l’avis ne comptait pas. Ils étaient ceux qui, à partir d’un dessin, donnaient vie à ces immenses tapisseries, élément de confort tout autant que pièce de prestige, marqueurs de la grandeur d’un homme ou d’une famille, mobilier incontournable des demeures bourgeoises et aristocratiques.

Du jamais vu
Du jamais vu

Les yeux et les mains étaient donc d’accord. Les cartons furent alors commentés par leur créateur : tout n’était que symboles, couleurs extraordinaires, audace de la ligne. Et à chaque métier, à chaque doigt, en somme, il parlait comme à un ami, comme à celui à qui il confiait la chose la plus précieuse de sa vie. D’eux, il exigeait de l’excellence ; pour eux, il donnait son temps, son talent, se soumettant à leur virtuosité.

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6 janvier 2018 6 06 /01 /janvier /2018 19:00

Il ne pouvait pas voir le visage de l'homme devant lui. Ce dernier baissait la tête. Ainsi, tout ce que le premier voyait était la chevelure blonde et clairsemée ainsi que les épaules que recouvrait un fin linge de lin blanc. Il sentait toutefois le contact des mains de l'homme qui lui lavait les pieds, geste d'humilité exceptionnelle, d'autant plus que l'homme agenouillé était le roi. Un roi qui avait tenu des calices et des épées, un roi dont les mains se faisaient délicates quand elles ne devaient pas être sévères.

Le roi termina et passa au voisin. Dans le silence monastique, les douleurs revinrent alors en mémoire et au corps de l'homme. Celui-ci tint bon puis, d'épuisement, il s'écroula. Les frères se rassemblèrent autour de lui et, sans échanger une parole, le portèrent en sa cellule. A son réveil, deux frères le gardaient encore. Il se leva avec prestance, apeuré par le Rappel qui le priverait peut-être de l’œuvre de sa vie.

Vita scriptoris
Vita scriptoris

Les Anciens appelaient cela une encyclopédie. Lui préférait le terme de miroir car en s'y mirant par la lecture, un homme y trouverait les causes profondes de son caractère et la vérité sourde du monde. Un tel assemblage de livres représentait la somme du savoir qu'en l'an de grâce mil deux cent soixante, les hommes, dans leur maigre orgueil, possédaient.

Vita scriptoris
Vita scriptoris

Évidemment, le frère Vincent avait déjà écrit d'autres livres que des scribes, en d'autres abbayes mais aussi en la sienne, c'est-à-dire à Royaumont, recopiaient avec précaution. Mais ce grand miroir qu'il façonnait à force de patience était son legs ultime au monde, tentative certes puérile de prétendre tout dire et tout connaître, que le Très Haut comprendrait néanmoins comme un immense cadeau.

Vita scriptoris
Vita scriptoris

Assurant ses deux protecteurs qu'il se portait mieux, il se dirigea vers son pupitre où, reprenant la plume, il retourna à son labeur. Toute l'après-midi, et encore tout le jour suivant, il ne quitta son ouvrage. Lorsque enfin, à bout de forces, l'esprit vide et ahuri à cause de la concentration que cela demandait, il consentit à sortir, ses yeux furent éblouis par une telle lumière qu'il en tomba d'inanition. A nouveau on le porta sur sa couche. Et, à le voir comme tel, immobile et les yeux clos, on pouvait le croire mort.

Vita scriptoris
Vita scriptoris

Un futur saint le réveilla. Par son regard, la douceur de son visage, la prévenance de ses gestes, le  roi signifiait à son aîné (par l'âge et, pensait Louis, en savoir) son inquiétude et son admiration. Le frère Vincent était usé, il marmonnait souvent d'incompréhensibles sermons où il semblait mesurer l'infinie tâche qui l'attendait encore. Dans le cloître, il parlait peu, songeant aux mille problèmes que la vie pose et qu'il désirait faire entrer dans son miroir de prose.

Vita scriptoris
Vita scriptoris

Il réservait sa haute voix pour la lecture des textes lors des offices. Souvent les moines le voyaient s'arrêter et réfléchir, ayant trouvé dans ce qu'il venait de prononcer quelque matière à ajouter à la somme qu'il constituait. Un matin, après leur avoir lavé les pieds à tous, le roi partit. Vincent, qui avait de l'affection pour cet homme qui, malgré les combats qu'il devait mener, n'était rempli que de dévotion, ne prit pourtant pas la peine de le saluer. C'est que, l’œil rougi et la main endolorie, il n'avait pas entendu le roi se préparer.

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31 décembre 2017 7 31 /12 /décembre /2017 19:00

Dans cette étrange procession de pénitents, ils marchaient la tête haute. Pour prix de leur résistance, ils quittaient l'université. Derrière eux, ils laissaient les collèges : flamands, français, anglais et écossais, et toute la marmaille insolente des nations étudiantes. Dignes, ces dizaines de représentants du savoir se savaient à jamais ostracisés, du moins dans le royaume, et pourtant ils ne semblaient nullement affligés.

Quelques étudiants assistaient, stupéfaits, à cette mise au pas ordonnée, loin de là, par un soleil qui se faisait appeler roi. D'autres, plus nombreux, manifestaient bruyamment leur soutien à ces professeurs qu'ils savaient exigeants et dont la lutte en mots contre une déclaration jugée odieuse donnait du sens à leurs magistrales démonstrations. Mais la plupart des étudiants, enfermée dans des livres ou bien dans des tavernes, n'assistait pas à cet exil forcé.

A fourbes, fourbe et demi
A fourbes, fourbe et demi

Aux plus simplets, on expliquait la raison de ce terrible ballet. Le roi, succédant à l'empereur, en avait après les bénéfices épiscopaux. Étant tout, c'est-à-dire le roi, l’État, la loi, il avait décidé de garder pour lui ce qui était vacant, niant les privilèges et les coutumes, défiant, parmi tous les évêques, principalement celui de Rome. Ici ou là, dans le royaume, beaucoup avaient baissé la tête. D'autres l'avaient relevée et refusaient la maîtrise, toute gantée et dorée qu'elle fût, d'une main temporelle sur les trésors sacrés.

A fourbes, fourbe et demi
A fourbes, fourbe et demi

Ces professeurs - on voyait maintenant le dernier s'évanouir dans l'horizon du pays douaisis -, avaient défié Louis qui avait, en outre, affirmé son autorité sur une institution si partisane qu'on la disait ultramontaine. Le bon vouloir du souverain avait tranché : que ceux qui s'opposent soient destitués. Ainsi fut-il fait. Et, tandis qu'il ne restait des anciens maîtres ni souvenirs ni traces, de nouveaux comparurent, prêts à relever l'université de Douai.

A fourbes, fourbe et demi
A fourbes, fourbe et demi

Leur maîtrise savante étant acquise, il leur fallait désormais prouver leur attachement aux intentions royales. L'affaire précédente avait fait grand bruit : on redoutait de nouveaux troubles. On souhaita, dès lors, connaître les secrets des âmes et des pensées de ces esprits si achevés. La menace venait précisément de ce que l'on soupçonnait ces savants d'obédience à un évêque flamand dont les prises de position offusquaient les bonnes gens et se rapprochaient des dangereux protestants.

A fourbes, fourbe et demi
A fourbes, fourbe et demi

Alors, en haut lieu, on complota. Les plus extrêmes voulurent se saisir des personnes et les soumettre à la question. Les plus naïfs souhaitaient leur poser simplement la question. Mais il se trouva les plus malins qui élaborèrent un stratagème : on écrivit une lettre qui émanait, c'était faux, d'un de ceux qui, par leurs idées, ébranlaient la royauté. Ainsi la confidence en appelait une autre, fatale celle-là, à qui la révélait.

A fourbes, fourbe et demi
A fourbes, fourbe et demi

On put, de cette façon, retirer le masque de l'infamie des visages des coupables. Leurs noms étaient murmurés dans le creux des oreilles indiscrètes tandis qu'on les évitait le plus possible. De Paris, d'autres lettres partirent, de cachet cette fois, qui leur intimait, à eux aussi ,le départ et la honte. Et, comme quelques mois auparavant, on vit dans les rues de Douai cette étrange procession d'hommes sages que le destin accablait.

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25 décembre 2017 1 25 /12 /décembre /2017 19:00

Bien que les lieux fussent désertés depuis un demi-siècle, il pénétra timidement dans l'enceinte. Ce faisant, il se comportait comme si son intrusion dérangeait quelqu'un qui, penché sur une table, travaillerait minutieusement. Il s'arrêta, promena son regard sur les ruines dont il devait faire des relevés, et tendit l'oreille. Non, la rumeur de la ville ne lui parvenait pas.

S'asseyant sur une pierre grosse dont l'emplacement l'intriguait, il sortit son carnet et ses crayons et commença à dessiner. Régulièrement, il se levait et procédait à des mesures, ou bien il allait s'assurer d'un détail puis, revenant à sa place, il retranscrivait respectueusement ce qu'il avait vu. Avant de venir, il avait beaucoup lu ce qui traitait de l'histoire de ce château. Enfant de la ville, il en avait toujours craint la silhouette, haute et lointaine dans le ciel, comme une sentinelle dont on attend que, le jour venu, elle donne l'alerte si un danger se présente.

Par leurs seules présences
Par leurs seules présences

Concentré comme il était, il ne fit bientôt plus attention aux éléments qui l'environnaient : quelques rongeurs passaient, des oiseaux se posaient, le vent se faufilait, l'odeur des pierres chaudes qui flottait dans les airs. Soudain, il sentit une présence. Il se retourna. Personne. Pas même l'un de ces petits animaux qu'il avait surpris en entrant. Plusieurs fois au cours de la matinée, il devait encore ressentir cette impression d'être observé et, à un moment, il crut qu'on le frôlait. Mais il n'en était rien.

Par leurs seules présences
Par leurs seules présences

Il se décida à partir à la mi-journée. La faim le tenaillait et il trouva une place dans une auberge pour se rassasier. Jetant un œil sur ses travaux, il en fut satisfait et les rangea soigneusement. Puis, ayant payé son dû, il reprit son chemin. Il ne songeait plus aux étranges impressions du matin lorsque, ayant cru voir une ombre passer, il en avait éprouvé un frisson avant de s'apercevoir que ce ne fut sans doute qu'un songe.

Par leurs seules présences
Par leurs seules présences

Le château de Valère, auquel il montait, n'en était pas un. Comme son voisin du Tourbillon, il surplombait la ville de Sion dont il était un spirituel gardien. En fait de château, c'était une église, fortifiée certes, mais dont les combats avaient été menés à coup de mots et non point d'épée. Le topographe arriva essoufflé mais, ne voulant pas rester trop tard, se mit de suite à travailler. Son crayon griffonnait déjà avec exactitude les lieux, les places, les aspérités du sol et les caprices du terrain.

Par leurs seules présences
Par leurs seules présences

Une note, puis une deuxième, explosèrent dans la basilique. Tétanisé, il leva les yeux pour deviner qui l'avait ainsi troublé. La composition, mélodieuse, surprenait toutefois par des envolées tantôt tragiques, tantôt gaies, se voulant probablement la musique des espoirs déçus ou exaucés. C'est alors qu'il distingua une silhouette voûtée, à peine discernable dans l'obscurité de la basilique. Pourtant, un homme de chair jouait de l'orgue.

Par leurs seules présences
Par leurs seules présences

Redoutant la rencontre, le topographe patienta. Son croquis demeurait inachevé, révélant un bâtiment aux allures de ruines. Quand le concerto fut terminé, un vieil homme se dirigea droit sur lui, à une allure cependant qui lui laissait le temps de la fuite. Il resta. Le vieillard lui expliqua seulement que l'orgue était le plus vieux au monde et que les sons qui en sortaient n'étaient pas seulement les siens, mais ceux aussi des musiciens des temps passés. Il termina là et partit. Le topographe, décidément ébranlé, en la ville redescendit.

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19 décembre 2017 2 19 /12 /décembre /2017 19:00

Ils se faisaient face sans mot dire depuis quelques dizaines de secondes. Muets, ils l'étaient pour plusieurs raisons : la joie d'avoir trouvé un semblable nouait leurs gorges, la crainte de se perdre par un mot idiot les empêchait. Comme un miroir à trois faces, ils se dévisageaient mutuellement, examinaient leurs visages, guettaient les signes secrets que l'âme envoie. Tandis qu'ils se taisaient, un quatrième larron, inconnu d'eux tous, ivre de rire et probablement d'alcool, tapa dans le dos de l'un d'eux pour leur signifier que le temps était à l'amusement.

Ils décidèrent, sans se parler, de quitter cette taverne pourtant joyeusement éclairée. Ils déambulèrent dans les rues de Poitiers, chacun hésitant à prononcer un son, se retenant même de tousser. Ce fut le plus âgé, Jacques, qui fit le premier entendre sa voix. Il récitait un poème du latin Horace et, dans la nuit, cette langue italique avait des accents gutturaux. Une fois qu'il eut terminé, il laissa planer, quelques instants, un silence. Puis, de sa voix toujours claire, il entreprit de le leur redire, en français.

Incipit d'une constellation
Incipit d'une constellation

Les deux autres ne s'étonnèrent pas. Ils l'avaient entendu, tout à l'heure dans le bouge, clamer des vers que l'Italie leur avait appris, à eux aussi. Ainsi commença une étrange joute verbale où, respectueusement, deux hommes en écoutaient un autre qui récitait des mots de plus de mille ans. Les jours qui suivirent, les trois compères se retrouvaient : sur le banc de l'université, sur celui d'une échoppe ou simplement dans la rue. Chacun y allait de sa trouvaille littéraire, de son monument antique qu'il avait déterré.

Incipit d'une constellation
Incipit d'une constellation

Chacun donnait un peu de sa vie, en mots toujours, tremblotants ou bien forts, selon le moment. L'un avait été diplomate avant que la maladie ne le frappe. Un autre avait appris les mathématiques et la philosophie. Le troisième, enfin, orphelin en bas âge, avait fréquenté le roi et les princes. Naturellement, ils gravitaient autour des puissants, s'y rapprochant comme autour d'un bon feu en plein hiver, secrétaires des uns, valets des autres, ouvriers des fourmilières qui s'agitaient continuellement.

Incipit d'une constellation
Incipit d'une constellation

De leurs familles, importantes et respectées, ils s'en étaient servis comme d'échelles pour y monter et voir le monde d'un peu plus haut. Mais sans s'y attarder ni s'y gonfler d'orgueil, ils s'étaient, au contraire, humiliés en regardant vers le passé et en y trouvant des hommes de lettres grandioses. De ces heures passées à déchiffrer et à s'émouvoir, ils avaient retiré l'exigence du mètre et le goût du phrasé.

Incipit d'une constellation
Incipit d'une constellation

N'étant seuls que la nuit, et encore, pour une partie de celle-ci, ils se promenaient dorénavant à trois : Jacques, Pierre et Joachim, Peletier, Ronsard et du Bellay. Confrontant leurs vers et leurs rimes, ils se trouvaient parfois bloqués par l'usage d'une langue qui était leur et cependant était limitée. Un jour, l'un d'eux proposa un mot nouveau. Ainsi il s'accordait, ainsi qu'à ses compagnons, le pouvoir de créer. Ce pouvoir n'était pas futile : il permettait de mieux dire ce qui, pour eux, était sacré.

Incipit d'une constellation
Incipit d'une constellation

Au-delà des mots, leurs écrits imposaient de nouvelles réflexions. La mélancolie du temps perdu, la crainte de la beauté passée, le lien à la terre aussi, à celle des parents vieux qu'on a autrefois abandonnés, tout cela évoquait un nouveau rapport à l'homme, tout cela accordait une gravité à ce qu'ils vivaient. L'individu naissait à travers le verbe, mortel celui-là, puisque la possibilité de la perte seulement accordait de la valeur. Mais, bientôt, le temps scolaire se termina. Ils se quittèrent, se jurant qu'ils se reverraient tous une prochaine fois.

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13 décembre 2017 3 13 /12 /décembre /2017 19:00

La vieille Léone l'avait vu détaler à toutes jambes en direction de la tour. Elle n'avait même pas eu le temps de lui demander si la bataille était terminée, si Nonza avait été livrée. Tête basse, elle rentra dans sa maison, apeurée par tous les coups de canons qui avaient retenti dans la matinée. D'ailleurs, elle ne savait pas encore que l'un de ces boulets de métal avait heurté la maison de son neveu, brisant net la charpente et tuant, sur son passage, toute la maisonnée.

L'homme que Léone avait vu courir s'appelait Jacques. Brun et trapu, on le disait rieur et gouailleur avant la guerre. Mais les choses avaient changé. Jacques avait choisi son camp : celui des paolistes. Ces irréductibles guerriers faisaient le coup de force et avaient engagé le bras de fer contre les Français, faisant de leur cap Corse la pointe acérée de leur résistance, l'estoc de l'épée de leur indépendance. Et maintenant Jacques s'enfuyait pour échapper à ces diables de Français.

Un pour tous
Un pour tous

Mais Jacques ne s'enfuyait pas. En réalité, il cherchait à gagner la tour qui domine la mer, cette immensité bleue qui avait, des siècles durant, réussi à préserver leur liberté aux Corses. Aujourd'hui, le danger était venu par elle, signe que, dans une guerre, il faut de méfier de tout homme et de toute chose. Les Français avaient bombardé Nonza, les Français, venus de Bastia, joints par des compatriotes de Saint-Florent, avaient arrêté trois cents combattants. Trois cents sauf un, qui avait réussi à gagner la tour.

Un pour tous
Un pour tous

Parvenu au sommet, Jacques s'écroula sur le plancher. Adossé au muret, il sortit de sa sacoche un bout de fromage de chèvre et une gourde d'eau, que respectivement il dévora et but avidement. Puis il se mit au travail. En contrebas, les vieilles gens du village commentaient avec inquiétude l'arrivée d'une colonne de pointus, qui bientôt campa devant le village. Ils exigeaient la reddition. Pour toute réponse, Jacques hurla un ordre : Feu à volonté. Et une première salve partit.

Un pour tous
Un pour tous

Des heures durant, il fut l'armée corse à lui seul. La prévoyance et son ingéniosité étaient ses premiers atouts. En effet, il y avait, dans la tour, une réserve d'armes pour d'éventuels assiégés. Et ces fusils, Jacques les avait assemblés à l'aide de ficelles dont on se servait usuellement pour attacher deux bouts de bois ensemble. Le système, tout à la fois brillant et d'une simplicité désarmante, constituait un rempart de feu qu'affrontaient désormais de jeunes conscrits du continent.

Un pour tous
Un pour tous

Jacques, dans sa tour, ne chômait pas. Tirant une à une les ficelles, il se dépêchait de recharger lorsque l'une d'elles était vide. Courbé ou bien rampant, il s'égosillait à crier des ordres à des compagnons imaginaires, jouant la comédie quand, parfois, il retardait son tir exprès, comme si le bruit du feu empêchait que, là-haut, on puisse se comprendre. Tandis que l'après-midi touchait à sa fin, Jacques trébucha sur un pavé mal enfoncé. Il continua de déclencher le feu tout en bandant sa cheville endolorie.

Un pour tous
Un pour tous

En contrebas, les Français étaient de plus en plus interloqués. Croyant avoir refroidi les ardeurs belliqueuses de ces insulaires enragés, ils subissaient les tirs et comptaient même quelques pertes. Cependant, diplomates aguerris, ils exigèrent à nouveau la reddition de ces hommes valeureux. Leur capitaine, un certain Jacques, exigea à son tour les honneurs et de conserver ses armes. Condition acceptée : la troupe continentale vit alors sortir de la tour ledit Jacques, s'appuyant sur un bâton de fortune. Soulagés mais incrédules, elle entendit soudain les acclamations de villageois invisibles pour ce jeune paoliste dont la renommée était maintenant assurée.

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