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8 octobre 2017 7 08 /10 /octobre /2017 18:00

Au printemps de l'année dernière, un frère à la coule noire arriva dans notre abbaye de Solesmes. C'était un homme de haute stature qui regardait obstinément le sol, comme s'il y cherchait la vérité sans pouvoir jamais la trouver. Arrivant enfin dans notre cloître, il leva la tête et ses yeux nous transpercèrent comme une épée le fait d'un corps, et je vis certains de mes frères frissonner d'un sentiment que je pourrais appeler de la terreur.

Deux mois auparavant, l'un des moines avait rejoint le ciel. Frère Imbert, nous le savions tous, était un pécheur. Repenti à maintes fois, il était relapse, faisant succéder à sa repentance des actes terribles, odieux et vils que nous avions pourtant condamnés. Cependant ce frère était apprécié dans la communauté : sa bonté, sa générosité même, en faisaient un compagnon appréciable, tant dans les travaux que dans la prière. Mais dans sa nature résidait le Mal. Cela nous terrifiait lorsque, alors, notre frère lui abandonnait son corps.

Les noms du mal
Les noms du mal

Un matin, les convers l'avaient retrouvé couvert de lacérations, la tête immergée dans la boue grasse de nos champs. Comme nous le dîmes aussitôt au bénédictin, frère Guillaume, aucun de nous ne pouvait quitter l'enceinte de l'abbaye. Il était évident qu'une fois de plus, frère Imbert avait renié la règle pour satisfaire la Bête immonde qui sommeillait en lui. Tandis que nous nous désolions de son impertinence, frère Guillaume fit la remarque que certains de nos frères ne semblaient point chagrinés par ce qu'il appelait, de son ton docte, un meurtre. Mot horrible : nous nous signâmes.

Les noms du mal
Les noms du mal

Les penchants de frère Imbert pour le corps : le corps de l'homme, le corps de la femme, le corps de l'enfant, nous étaient connus. En effet, son oncle s'était résolu à nous le confier car déjà, alors que frère Imbert n'était âgé que de quinze ans, cette dégénérescence ravageait son esprit. Nous escomptions, ainsi que nous le rapportâmes à frère Guillaume, que les prières assureraient sa guérison. A défaut, nous espérions que les travaux harasseraient son corps, s'ils ne le poussaient pas à la contrition.

Les noms du mal
Les noms du mal

Nous avions réservé une sépulture décente à ce frère qui pourtant entachait la réputation de notre communauté. Depuis quelques mois, des villageois osaient venir à l'abbaye pour se plaindre des actes désordonnés de l'un des nôtres. Quant à moi, la vue de ces jeunes hommes, de ces femmes qui s'apprêtaient à se marier et de ces enfants, le visage déformé par la peur au lieu d'être éclairé de joie par la simple apparition de ma coule, me torturaient si fort que je fis part de mes objections à frère Imbert.

Les noms du mal
Les noms du mal

Je n'étais pas le seul et, sans cesse, semaine après semaine, nous le chapitrions et lui, veule et obscène, s'étalait face contre terre, demandant pardon pour son ignominie. Nous nous excusâmes devant frère Guillaume : mais la Loi est ainsi faite que nous ne pouvons refuser de croire quelqu'un jurant sur les Écritures, et jouant ainsi jusque sur le nom de Dieu pour assurer son salut. Notre crime, nous l'avouâmes à frère Guillaume, était d'avoir été faibles. Nous avions refusé trop longtemps de punir frère Imbert.

Les noms du mal
Les noms du mal

Frère Guillaume, taiseux et assurément malin, resta à l'abbaye une semaine. Tantôt il nous entretenait dans le cloître, tant il nous convoquait en sa cellule. Au chapitre, à la veille de son départ, il m'accusa, il nous accusa. Nous acceptâmes le poids de la vérité. Mais nous refusâmes d'être traités en criminels. Nous avions expurgé notre abbaye, nous avions lavé notre communauté. Et l'infâme dont le corps pourrissait et dont l'âme brûlait ne méritait que le juste châtiment. Frère Guillaume repartit : je le suivis. Demain est le jour de mon bûcher.

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2 octobre 2017 1 02 /10 /octobre /2017 18:00

Le bras était bloqué dans un repli de la chemise. D'un habile mouvement le vieil homme se dégagea et, enfin, sa main sortit du vêtement immaculé. Il boutonna sa chemise puis rentra celle-ci dans son pantalon, noir pour l'élégance, et maintenu par une ceinture de cuir, noire elle aussi, à la boucle aux reflets d'argent. Il mit sa veste - plus difficilement car elle était rigide - et se dirigea vers la salle de bain. Sur le lavabo, crèmes et lotions l'attendaient.

Il commença par ses cheveux. Malgré ses quatre-vingt trois printemps, il avait conservé une chevelure abondante dont la blancheur illuminait les costumes sombres. D'un geste sûr : ce geste qu'ont les minots quand ils se préparent à sortir, il plaqua sa tignasse en arrière puis, par retouches minutieuses successives, il corrigea les menus défauts. Il appliqua ensuite une crème sur son visage et veilla à ce qu'elle pénètre bien les pores, comme cela était indiqué sur le flocon.

Le vieux beau
Le vieux beau

Soigneusement, il ferma à clé derrière lui la porte de son trois pièces qu'il occupait depuis le décès de son épouse. Puis, dédaignant le service de l'ascenseur, il préféra les marches de l'escalier qu'il descendit en se tenant à la rambarde. Enfin dehors, il ajusta ses lunettes de soleil (il avait toujours eu une bonne vue) et commença à descendre la rue en direction du Vieux Port. Le soleil lui chauffait agréablement le dos et les mains qu'il veillait à ne pas glisser dans les poches.

Le vieux beau
Le vieux beau

C'était son plaisir au quotidien : constater que son panier natal était toujours bien garni. Passant devant les anciennes devantures, il saluait les propriétaires, connaissances de vingt ou de trente ans, dont il se souvenait parfois les avoir vus à peine sortis du berceau. Les nouveaux commerçants, Marseillais aussi mais d'autres quartiers, parfois compatriotes seulement, ayant découvert la plus belle ville du monde comme il aimait à le dire, qui installaient là leurs affaires, ils les visitaient selon son envie et ses besoins mais toujours avec un sourire et un mot pour se présenter.

Le vieux beau
Le vieux beau

Parvenu sur le port, il obliqua sur la droite : vers la mer, la grande bleue, la dame éternelle qui avait accompagné sa vie. Il se souvenait bien de ses jeunes années de mousse et de marin quand, levé aux aurores, il ramenait des filets de son patron des sardines et des rascasses. Il passait devant les vendeurs de savon devant lesquels s'attroupaient toujours, c'était surprenant, des touristes probablement en mal de propreté.

Le vieux beau
Le vieux beau

En passant sous la tour du roi René, un vent frais lui caressa le corps. Aux dames qui le regardaient et murmuraient un timide bonjour (leurs yeux, pourtant, disaient autre chose), le vieil homme répondait en dévoilant ses belles dents blanches et par un bonjour à la fois affirmé mais non pas brutal. Mais bien plus que la gent féminine, c'était ce fort qu'il venait voir. Saint-Jean avait été le phare de sa jeunesse, son repère de marin, son lieu de promenade d'homme mûr. Il le fréquentait comme un enfant : toujours étonné des possibilités qu'offrent les recoins et les alcôves cachés, à ceci près que ses cris de joie étaient intérieurs et qu'il n'osait plus courir dans les escaliers.

Le vieux beau
Le vieux beau

Quand il avait appris le chantier prévu, il avait ouvert de grands yeux. Aujourd'hui, il admirait ce que le petit - c'est le surnom qu'il avait donné à l'architecte - avait réalisé. Comme lui, le fort était un vieil homme. Comme lui, il se refusait à mourir (l'idée même était absurde). Alors, si de grands esprits et des petites mains pouvaient lui rendre son lustre, comme lui tous les matins prenait un soin particulier à sa mise, ça n'était pas du luxe. Sur eux la laideur n'avait pas de prise.

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26 septembre 2017 2 26 /09 /septembre /2017 18:00

Sur la longue table de bois clair étaient alignées les bières. Brunes ou blondes, dans leurs choppes, elles pétillaient de patience, coiffées d’une mousse qui, d’un instant à l’autre, serait dégustée. Autour de ladite table, assis dans des chaises à trois pieds d’un confort remarquable, des corps jeunes, des visages enjoués, des sourires francs et des regards enjôleurs : la semaine était terminée, les étudiants sortaient donc pour la fêter.

Cependant les historiens ne purent s’empêcher de rappeler les faits suivants : le port avait été creusé par des prisonniers suédois. Il faudrait donc boire à leur santé, ou plutôt à leur repos, puisque les malheureux avaient depuis longtemps péri. Aux yeux étonnés, ils répondirent que Danois et Suédois entretenaient une haine fraternelle. En échange du bombardement subi, les Danois avaient donc employé leurs prisonniers à une tâche noble aussi bien que mortelle. Satisfaits de leur récit, ils saisirent leurs chopines.

Aux études
Aux études

Les géographes, alors, s’en mêlèrent. Lunettes rondes et vestes kaki, ils étaient les explorateurs consciencieux du monde. Ils soulignèrent la position tout à la fois centrale et clivante du nouveau port dans la capitale : à la fois trait d’union et bassin de séparation. Quasi au centre de la vieille ville, il accueillait la mer au cœur de l’urbain, comme le sang de ce grand corps danois bordé par les eaux, irrigué par elles. Par leurs mots, ils enchantaient la topographie qu’on pensait éternelle.

Aux études
Aux études

Ce cours de rattrapage n’avait pas eu l’heur de plaire aux étudiants de droit. Bien plus, ceux-ci s’inquiétaient des dispositions légales dont pouvaient se prémunir les tenanciers de l’établissement. Les tables et les chaises mordaient largement dans l’espace public : quelque usager de la voie, mécontent de s’en voir retirer la jouissance, pourrait bien formaliser son aigreur en un feuillet de plainte. Une tape dans le dos et de grands rires les ramena à la raison : nul ne viendrait se plaindre du bonheur de ces jeunes filles et de ces beaux garçons.

Aux études
Aux études

Les artistes en herbe renchérirent : le bonheur, dans un tel lieu, était chose accessible. Les philosophes tâchèrent de disserter sur cette étrange notion mais on les pria de se taire : leur tour était le suivant. Architectes et peintres reprirent : Nyhavn mariait joliment l’homogénéité à la pluralité. Chaque maison, penchée sur les eaux, ressemblait à sa voisine et pourtant s’en démarquait qui par la couleur de sa façade, qui par un détail que les habitués seuls remarquaient d’une simple œillade.

Aux études
Aux études

La tirade terminée, les philosophes s’emparèrent du débat. Mais bientôt ils se disputèrent entre eux, invoquant chacun son champion, n’écoutant plus que ses idées propres et sa passion. On se tourna alors vers les mathématiciens qui, dans un concile secret, calculaient à tout va. Sur un ticket de caisse ils prenaient des mesures, établissant à coups de chiffres la capacité d’accueil de Nyhavn. Mais sa capacité, les reprit-on, résidait dans le nombre de chaises et de tables à leur disposition.

Aux études
Aux études

La bière tiédissait mais tous les groupes souhaitaient laïusser. Les sociologues louaient la mixité des touristes et des habitants, les littéraires évoquaient le souvenir d’Andersen qui avait ouvert ses fenêtres sur ce port durant vingt ans. Une clameur, une rébellion : on leva soudain les verres pour honorer la boisson. Avant cela il fallut encore trinquer, et donc encore se disputer. Et si chacun avait défendu son art, c’est aux études, évidemment, qu’on accepta de porter ce docte égard.

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20 septembre 2017 3 20 /09 /septembre /2017 18:00

Depuis deux ans qu'il était arrivé au monastère, le dom passait ses hivers à errer au milieu de ses rangs de vigne. Il avançait, vêtu d'une simple pelisse dont il se couvrait cependant jusqu'au coup. Il prenait parfois un peu de terre en ses mains, qu'il frottait et humait d'un air concentré. Puis il rentrait, l'esprit inaccessible à qui aurait voulu lui parler, ruminant probablement de profonds secrets. Revenu dans sa cellule, il s'y enfermait et, sortant de grands livres aux couvertures sombres, en noircissait des pages.

A l'été, il se levait toujours de bonne heure. Sous aucun prétexte, il n'aurait manqué la livraison des grains fraîchement coupés. Les paysans venaient donner la part due aux hommes du divin mais, de cette engeance, ils ne voyaient que le dom. Les autres s'occupaient en prières et en travaux divers. Il fallait alors le voir ordonner aux pauvres hères de déposer leurs récoltes en tas bien distincts. Loin cependant de toute colère si ses instructions n'étaient pas respectées, il se contentait de lever un sourcil circonspect.

A la recherche de la tranquillité
A la recherche de la tranquillité

Le dom s'enfermait, au début de l'automne, dans une pièce qui lui était réservée. Comme dans une bulle, il n'entendait ni ne goûtait la présence d'autres moines. Inlassablement il portait à sa bouche les grains d'or, suçotant, mâchonnant, grimaçant, souriant et, surtout, notant avec soin ses impressions dans ses fameux livres. D'autres fois il laissait toute une nuit, au rebord de la fenêtre de sa cellule, quelques grappes de sa sélection qu'il croquait, dans la fraîcheur du matin, déjà attentif à sa dégustation.

A la recherche de la tranquillité
A la recherche de la tranquillité

Dans le cloître, on ne manquait pas de l'interroger sur ses recherches. Certains de ses compères pensaient (c'était la majorité) que le vin se vendait suffisamment bien pour qu'on ne recherchât point quelque procédé bien peu chrétien. Toutefois, ceux qui avaient eu l'heur d'être admis comme goûteurs (c'était un insigne honneur) reconnaissaient sur leurs papilles le fruit du labeur. Ainsi ils encourageaient dom Pérignon à poursuivre sa quête, espérant, de la nouvelle cuvée, obtenir quelques lampées.

A la recherche de la tranquillité
A la recherche de la tranquillité

Le dom pratiquait avec science les assemblages. Dans son cas, on devait plutôt parler de mariage tant les parcelles qu'il assemblait trouvaient en leurs associées des alliées naturelles. Pour que l'union soit célébrée avec plus de grâce, il faisait fi des bouchons anciens et préférait la cire pour enfermer son vin. C'est alors que le diable intervenait : une à une les bouteilles explosaient, parsemant de mousse et de verre les celliers de l'abbaye de Hautvillers.

A la recherche de la tranquillité
A la recherche de la tranquillité

Les superstitieux s'en effrayèrent, comprirent dans ces détonations vinées la présence d'un démon par l'ivresse attiré. Le dom, placide, réfutait d'un silence ces odieuses accusations. Demandant de l'aide aux maîtres verriers, il obtint d'eux des flacons épaissis dont la forme résisterait à l'évasion du fruit. Le procédé imparfait fut toutefois récompensé. Et, tandis que sur le sol du liquide s'épandait encore, dans les verres coulait un nectar délicieusement relevé.

A la recherche de la tranquillité
A la recherche de la tranquillité

Le dom, néanmoins, ne s'entichait pas de ce goût bulleux. Et, pétillant d'imagination, il tâchait de redonner à son vin sa tranquillité. Dans l'abbaye, certains frères se pressaient maintenant autour du dom afin qu'il leur fît boire de sa sémillante boisson. Il enrageait doucement de devenir le tavernier des ivrognes. Cela résonnait comme un double échec pour lui puisque son vin, aussi, ne se tenait pas. Jamais cependant il ne désespéra. Et il mourut dans l'affection et l'admiration des siens, lesquels prièrent probablement que le ciel voulût bien leur prodiguer un dom nouveau aux talents de vigneron.

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14 septembre 2017 4 14 /09 /septembre /2017 18:00

Dans le chemin boueux, détrempé de pluie et labouré par les passages successifs du tout venant, les charrettes avançaient péniblement. Parfois, l'un des membres de l'équipage descendait, quittant son confort relatif, pour pousser et aider la bête suante et hennissante. Au loin, les cheminées fumantes indiquaient l'existence d'un village. Parmi la troupe, les plus jeunes espéraient que ce fut enfin le bon.

 

Au lieu du son des trompes que leur cortège devait susciter, on n'entendit que le cri des porcs et ceux des poulaillers. Les premiers regards qui leur furent jetés étaient tout à la fois habités de curiosité et de méfiance. Parmi les interpellations qu'on leur lançait, certaines relevaient même de l'insolence. Mais ils avaient l'habitude, eux qui avaient traversé nombre de pays, d'entendre louanges et violences avant de parvenir ici.

Le sacre du porcher
Le sacre du porcher

Par un miracle bienvenu, la pluie avait cessé. Dix hommes mirent pied à terre de leurs charrettes crottées et les chevaux, épuisés, furent menés à l'écurie. Là, on les soignerait bien en espérant que cela suffirait pour rentrer. Sur la place du village, tandis que le clocher ajoutait à ce jour une ombre bien inutile, une demi-douzaine d'hommes élégamment vêtus patientaient. Les édiles signifiaient, par leur présence et leur tenue, l'importance de ces hommes dont on honorait la venue.

Le sacre du porcher
Le sacre du porcher

D'abord on se perdit en politesses et en simagrées puis l'un des édiles fit remarquer que ces hôtes venus de loin avaient, c'était même sûr, peut-être faim. Une fois repus, on les invita dans la salle communale où on les fit asseoir sur des sièges rembourrés : parmi les plus jeunes, c'était une invitation à se reposer. Les plus expérimentés surent, en revanche, que c'était là manière de les attendrir : aussitôt ils attaquèrent et dévoilèrent leurs dispositions.

Le sacre du porcher
Le sacre du porcher

Dans leur bourse dormait un joli tas d'écu d'or. C'était un jeu à trois dans lequel les caisses du roi perdraient tout : il s'agissait maintenant de savoir quelle part en aurait chacune des deux autres parties. Au centre de la table, on avait placé plusieurs verres : symboles de générosité, synonymes de ruse. Car les plus jeunes de la troupe, aussitôt, se précipitèrent sur les calices et alors ne resta plus en état de négocier que les plus anciens et leurs hôtes, habiles mais attentionnés.

Le sacre du porcher
Le sacre du porcher

Comme des atouts que l'on abat dans un jeu de cartes, on fit valoir ses arguments. Le vin, disait-on, était la seule richesse du pays de Saint-Pourçain. De plus, on peut dire sans se vanter qu'il ravit les palais les plus fins. Le vin est excellent : ne discutons pas là-dessus. Mais le prix demandé est trop élevé : on en trouve de qualité identique dans des pays plus exotiques. C'est que vous n'en prenez pas assez : dix barriques à peine pour un grand banquet. Pensez donc un banquet ! Le mariage du roi !

Le sacre du porcher
Le sacre du porcher

C'est juste ! Le roi peut bien payer. Le roi, d'où émane toute justice, ne paie que le prix juste.  Songez : c'est la cour qui boira votre nectar. Si d'aventure il s'y trouvait des amateurs, c'est votre fortune qui est faite ainsi que votre gloire. Là-dessus, on évoqua les prix : timidement d'abord, puis avec entrain, avec force et rage enfin pour retenir l'or. Un accord fut conclu. On vit alors partir, en hâte et sans un bruit, le vin et ses gardiens. La pluie recommençait à tomber.

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8 septembre 2017 5 08 /09 /septembre /2017 18:00

Chanteur, rockeur, rock-star, berce des enfants et des trips acidulés. Beau garçon, la chevelure brune et abondante, quelque chose de magnétique et de sexuel dans le regard. Fils de militaire, étudiant difficile et exigeant, croise un compagnon de route sur une plage pacifique. Il fume, évidemment, il boit, c'est certain, et il écrit : des chansons, de la poésie aussi, des textes qui décrivent la fin, le feu, la soif, l'amour. Mort : les fleurs l'envahissent et le submergent. Jim Morrison.

Il arrive de Catalogne dans une capitale étrangère. Le visage rieur, il mène des combats : de coqs, pour vivre un peu, d'argent, amassant les paris des audacieux. Homme d'affaire, c'est aussi un homme de fêtes qui invente, pour le plaisir des autres et pour ses intérêts propres, de multiples façons de se divertir. Théâtres, cirques, cabarets : il crée les lieux où les Parisiens se pressent. Mort : sa demeure est sombre comme sa vie ne le fut pas. Joseph Oller.

Entrent les morts
Entrent les morts

D'outre les frontières du pays qui l'accueillit, il vient lui aussi. Personnage de bande-dessinée, il croise donc un reporter, son chien et un vieux loup de mer. Photographe il a l’œil : l’œil vissé sur l'objectif, sa bouche murmurant à son objet, las ou lascif, les positions à prendre pour un shoot réussi. Grimaces, sourires, beauté : il a tout saisi : les visages et les corps, les vivants et les futurs morts. Lui-même laisse une fenêtre ouverte sur son monde. Willy Rizzo.

Entrent les morts
Entrent les morts

Elle a le regard perdu de ceux qui scrutent leur âme. De sa bouche dont, d'habitude, jaillissent monologues et tirades, les lèvres sont closes. Sa voix grave ne résonne pas. Elle n'a plus de corps, qu'elle mouvait pourtant pour prendre les gestes de ceux qui ne sont que de papier. Elle est une simple photographie, reprise sur les Unes des quotidiens, surmontant une effroyable légende. Morte, elle surmonte maintenant un épais drap de marbre, blanc et sobre. Marie Trintignant.

Entrent les morts
Entrent les morts

Donner sa vie pour les autres. Symboliquement et littéralement. Plonger dans l'amour, trébucher dans la mort, de la même façon : d'un simple pas, d'un pas léger et allègre. Les lettres : celles de l'agrégation, celles qui s'assemblent en mots et en des phrases de livres merveilleux, les lettres intimes où l'on dit tout à l'autre pour mieux le recueillir en soi. Puis la défiance, les plaintes, la prison, le repos forcé et un seul choix possible. Morte : en lettres gravées son nom demeure dans la pierre. Gabrielle Russier.

Entrent les morts
Entrent les morts

Étoile filante qui fuit ses études pour filmer les parfaites amours. Petits rôles, grands premières, textes à apprendre et à déclamer, à vivre surtout. Les réalisateurs, les partenaires, les connaissances, les amis, le milieu, les soirées, les nuits, l'insouciance, le plaisir. Les mises à nu : sur scène ou devant la caméra, confrontée à son double et confrontée à soi. Tant de vies incarnées et pas assez de temps pour la sienne. Morte, elle aussi : sur la tombe, deux ou trois pots de fleurs sans souffle de vie. Pascale Ogier

Entrent les morts
Entrent les morts

Des continents, des siècles d'histoire, des fils barbelés, des murs qui emprisonnent. Une voix douce : celle de l'étranger. Une barbe fournie : celle du sage. Une plume que l'on redoute : celle du poète. Histoires tristes, histoires vraies, langues qui se mêlent autour d'un bassin d'eau salée. Pendant qu'il dormait, pendant qu'il rêvait, les aiguilles ont tourné. Mort : il est trop tard. Le temps passe encore. Georges Moustaki.

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2 septembre 2017 6 02 /09 /septembre /2017 18:00

De sa main aux doigts longs, et fins, et blancs, le marquis ouvrit une petite boîte délicate. De porcelaine blanche, elle avait les traits et la forme du chien du maître des lieux, un merveilleux épagneul dont les poils roux étaient étonnamment bien imités par des touches graciles. L'ouverture se pratiquait par la base qui, d'argent finement gravé, laissait apparaître une scène de chasse. Sitôt ouverte, elle laissait se répandre les effluves de tabac. Le tabac des Antilles.

L'odeur était âcre, envoûtante. Le marquis aimait à ne soulever le couvercle qu'imparfaitement pour respirer, comme en un moment intime, la fragrance brute qui s'échappait du buste de son chien de porcelaine. Il fermait alors les yeux tandis que la salivation s'activait sur ses muqueuses buccales. Il reposait enfin la tabatière sur la console d’ébène. Sans doute ne percevait-il pas dans ses rêveries l'odeur des corps en sueur qui avaient permis ce prodige.

Ecran de fumée
Ecran de fumée

Il versait délicatement la poudre noire dans le creux de sa main. La prise était tout à la fois un moment agréable et douloureux, mais cela convenait à son âme qu'il aimait à décrire comme complexe et ambivalente. La douleur enfantait le plaisir, lisait-on même dans certains écrits tendancieux qui apparaissaient comme par miracle dans les soirées mondaines. Quant à la douleur des corps fouettés, celle des âmes brimées, la rage d'avoir été à sa terre arraché et le désespoir de mourir si loin de sa maison, elle ne pouvait s’insinuer dans de telles réflexions.

Ecran de fumée
Ecran de fumée

Tandis que le marquis philosophait sur ces notions que les antiques étudiaient autrefois, animant ses hôtes qui se flattaient de l'avoir pour ami, non seulement pour sa culture mais aussi pour sa table qu'il avait toujours garnie, un domestique passa dans la pièce. Il mâchait des feuilles provenant de la même plante ; on ne prêtait toutefois pas à ce rustre la même considération que son maître qui, évidemment, voulait voir déguerpir l'inopportun pour priser avec aisance. Que sur une île de l'Atlantique la présence d'êtres supposés inférieurs indigne les maîtres en leur propre habitation, cela non plus ne lui troublait pas la raison.

Ecran de fumée
Ecran de fumée

Cependant le domestique prenait son temps, déplaçait une assiette, essuyait un couteau, demandait enfin si tout le monde était bien. A la dernière syllabe, malheureux, il trébucha, et une goutte de salive noircie vint heurter le parquet de bois blondi. Au salon, on était horrifié. Le domestique aussitôt s'étala et, de sa manche, effaça la maladresse. Personne, à ce moment, ne s’autorisa à penser aux cent vexations qu'on faisait subir aux esclaves noirs, là-bas, sur leur presqu'île : traitements terribles que le code de la même couleur que leur peau autorisait jusque dans leurs chairs intimes.

Ecran de fumée
Ecran de fumée

Dans un murmure, la porte se referma sur le laquais. La société reprenait ses esprits au rythme des mots lâchés, comme des plaisanteries, par le maître de céans. Puis, approchant sa narine droite de sa main, celui-ci inspira si fort et si bruyamment que les femmes en furent surprises. Les hommes regardaient d’un air entendu : eux aussi allaient priser la feuille de Nicot, cultivée, c’était connu, dans la propriété du sieur Dubuc. Là-bas, le tabac poussait dans un climat chaud et sur une mer bleue : on ne voulait rien savoir, en France, de la touffeur et des perclusions dont souffraient ses producteurs affreux.

Ecran de fumée
Ecran de fumée

Le marquis fut pris d’une quinte de toux. Il reniflait puis demandait des mouchoirs pour se dégager. D’un œil discret, certaines femmes regardaient ce qu’il en sortait : elles voyaient donc le tissu se couvrir d’une sombre pituite, et mimaient le dégoût à la vue de ces fuites. De fuites, en Martinique, il n’y en avait pas, ou trop peu. Car les marrons étaient marqués au rouge lorsqu’on les prenait, et le travail déjà pénible en devenait insupportable. Car ces braves, ces malheureux, ces torturés, privés de liberté, étaient aussi dans les esprits parfaitement oubliés.

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27 août 2017 7 27 /08 /août /2017 18:00

La couverture au motif écossais est étalée sur la pelouse. A quelques mètres de là, en destination de la rivière qui serpente dans le parc, un arbre duquel descendent les écureuils. Leurs mouvements sont si furtifs : on ne voit pas leur tête bouger. Ils observent la couverture, le panier qui est posé dessus, les formes couleur d'aluminium qui promettent une semaine de satiété. Craintifs, ils repartent ou bien s'en vont fureter ailleurs, vers d'autres groupes qui prennent aussi leur pause déjeuner.

Victoria jette un regard sur ces groupes déjà visités par les petits mammifères. Debout sur sa couverture, elle porte la main à son front pour se protéger d'un soleil trop rare à son goût en ce début de printemps. Enfin elle s'assoit, époussette et rajuste sa jupe qui découvrait trop du leggings noir qu'elle porte. Elle prend l'un des deux sandwichs, le déballe et mord dedans. Elle mangera d'abord sa part, puis considérera l'autre après.

Le temps perdu
Le temps perdu

Les jardins de Kensington sont agréables à cette époque de l'année. La pelouse y est d'un vert tendre tandis que les pluies de mars l'ont rendue aussi confortable qu'un coussin. Victoria se souvient que les samedis après-midi, à la fin de leur pique-nique, ils s'allongeaient l'un contre l'autre, éblouis parfois par le soleil ou bien recevant quelques gouttes d'une pluie qui ne durait jamais, et elle entendait à peine sa respiration, couverte par le brouhaha lointain des autres occupants des jardins.

Le temps perdu
Le temps perdu

Elle termine son repas et range soigneusement les restes. En fait, tout ce qu'il n'a pas mangé. Après avoir replié la couverture et s'être assurée de n'avoir laissé aucune trace de son passage, elle dépose son trognon de pomme contre l'arbre, certaine que, bientôt, le présent sera bien accueilli par la faune invisible. Elle ne fera pas de sieste: il faut une certaine quiétude de l'esprit pour ça. Ataraxie : c'est le mot qu'il utilisait.

Le temps perdu
Le temps perdu

Elle préfère marcher un peu. Profiter des rayons solaires qui la réchauffent. Sentir le faible souffle du vent qui lui caresse le dos. Suivre du regard le petit ballon de plastique qu'un enfant, qui marche à peine, tente maladroitement de saisir. Capter pour quelques secondes les confidences qui se font et les débats d'ordre général qui se tiennent entre les couples. Penser à lui, un peu, et ne pas se souvenir de ce dont ils parlaient.

Le temps perdu
Le temps perdu

Elle va au hasard, longeant d'un pas calme et long les parterres de fleurs et les treilles verdies. Des gens sortent du château : familles, touristes, étudiants en art, curieux, amies de très longue date et veuves maintenant. Sur eux, sur le monde qui l'environne, elle promène un regard extérieur, comme un enfant regarde discuter les adultes au repas dominical, sans vraiment comprendre, une pointe aiguë au cœur en plus.

Le temps perdu
Le temps perdu

A quoi bon pleurer sur le temps perdu, se rassure-t-elle. Le temps perdu : le temps passé avec l'autre et qu'on ne retrouvera plus, le temps passé sans l'autre et qui dure encore. Certains sont partis à sa recherche. Elle ne veut pas s'en donner la peine puisque, aussi bien, il vient à elle, soir et matin. Elle s'apprête maintenant à quitter les jardins. Revenir chez elle, par le bus ou par le métro. Faire un détour par le jardin où les pierres plates posées par terre rappelle les belles heures passées et les minutes angoissées. Ou bien ne pas le faire, pour ne pas être étouffée.

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21 août 2017 1 21 /08 /août /2017 18:00

Lorsque Jocelyne arriva sur le port, elle vit qu'il n'était pas encore arrivé. Il faut dire qu'elle était partie en avance, encore piquée qu'elle était par la remontrance subie la veille. Elle s'était donc levée un quart d'heure en avance, et avait pris soin d'aller nourrir les bêtes avant de se préparer elle-même. Monsieur, en effet, détestait qu'on sente la volaille, ainsi qu'il le proclamait devant ses convives, en regardant Jocelyne d'un œil sévère.

Il était huit heures et c'était une agréable journée de printemps qui commençait. Sur le port, de nombreux bateaux attendaient encore leurs marins pour quêter le poisson. C'était une forêt touffue de mâts que densifiaient encore des voiles blanches que le vent, toujours au rendez-vous, gonflait de son invisible présence. C'était surprenant que de voir tant d'esquifs encore à quai : mais l'explication fut entendue par Jocelyne au hasard d'une conversation à laquelle elle ne prenait pas part : la houle, ce matin, avait été particulièrement mauvaise.

Les rails du labeur
Les rails du labeur

Mêlée aux badauds qui fumaient en scrutant l'horizon, distinguant au loin un blanc signal qui signifierait le retour des courageux (ou des inconscients) qui avaient quand même, malgré le risque, navigué dès l'aube, une foule de petites gens se tenait, compacte et disciplinée, patiente et presque silencieuse, en retrait du port. Jocelyne, naturellement, se dirigea vers ce groupe d'une quinzaine de personnes parmi lesquelles elle serait, comme le vent, bientôt invisible.

Les rails du labeur
Les rails du labeur

Elle songeait à ses travaux de la journée quand une cloche la ranima soudain. La menue foule, comme un seul homme, se recula. Le tramway arrivait. Il longeait les devantures du Tréport qui vantaient qui des articles de mercerie, qui du cirage, qui de beaux légumes et de tendres fruits. La machine s'arrêta et tous montèrent. A l'avant, le wattmen semblait imperturbable tandis qu'à l'intérieur, un receveur examinait les tickets.

Les rails du labeur
Les rails du labeur

Toutes les places assises étaient occupées. Jocelyne, jouant de son joli minois, lançaient des œillades jalouses aux messieurs les plus chanceux. Mais cela eut peu d'effet. Digne, et un peu vexée, elle releva la tête, passa vers l'extérieur. Une légère secousse signifia le départ du tramway. Il passa devant la rampe du musoir qui conduisait vers l'église. Jocelyne s'y était rendu l'avant-veille. Là-bas, au moins, pensa-t-elle, les messieurs se levaient pour une dame.

Les rails du labeur
Les rails du labeur

Sur la rampe, des femmes en chapeau croisaient des charretiers qui, péniblement, poussaient leur labeur. Se tenant sur la balustrade, Jocelyne profitait des embruns qu'apportait une brise étonnamment légère, comme si la nature n'avait plus de souffle après avoir condamné la mer à la solitude. Elle vit alors surgir, descendant en trombe, son frère qui travaillait depuis six heures. Il devait remonter de plein fûts jusqu'à la place de l'église, tout là-haut. De la main elle lui fit un signe mais lui, suant et haletant, ne prenait garde qu'à ne pas trébucher.

Les rails du labeur
Les rails du labeur

Un bruit sourd puis des striures grisées indiquèrent le passage du pont tournant. Jocelyne, qui était à l'arrière de la baladeuse, voyait maintenant s'éloigner le Tréport. Les maisons coiffées d'ardoise, le sanctuaire puissant et serein et la falaise, protectrice et blanche, composaient un tableau d'éternité. La jeune domestique n'eut pas le temps de s'émouvoir. Déjà le tramway arrivait à Mers. Une journée de dur labeur commençait désormais.

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15 août 2017 2 15 /08 /août /2017 18:00

Dans l'escalier, les voisins entendirent un grand chahut. Cela semblait, aux oreilles des vieilles occupantes du deuxième étage, comme un bruit de déflagration. Elles furent si impressionnées, et si inquiètes de ce que cela pouvait être, qu'elles sortirent leurs trois têtes blanches et qu'elles jetèrent un œil craintif vers le bas de la cage. Mais déjà, la porte venait de claquer, troublant une fois de plus le silence habituel des lieux. Ça devait être, se rassuraient-elles, le petit du troisième.

Le petit, justement, était recherché à ce moment même par sa mère. Laquelle, s'agaçant, demanda à sa sœur, d'un ton qui ne souffrait aucune hésitation, où se trouvait donc ce diablotin. La sœur, lasse de rendre des comptes pour ce filou, répondit un comme d'habitude qui ne souffrait pas, lui, qu'on insiste davantage. La mère se précipita à la fenêtre, ouverte, et balada son regard dans la rue : mais son petit, déjà, avait disparu.

Vice caché
Vice caché

Ils furent plusieurs à le voir se dépêcher alors que six heures, à l'église, sonnait. Toutefois, se rapprochant du centre où était l'abbaye depuis mille ans au moins, il se détendit et ralentit son pas. Le boucher nota que le petit souriait tandis qu'à la mercerie, on précisait que c'était plutôt un rictus. Le boulanger dit à son apprenti de se méfier. Quant au cordonnier, il était d'ores et déjà prêt à sortir de son atelier pour montrer au jeune de quel bois il se chauffait.

Vice caché
Vice caché

La rumeur, c'est vrai, précédait le petit. Erreurs, bêtises, méfaits : on s'entendait entre bonnes gens pour le désigner responsable. Garnement, chenapan, vaurien, voyou : on hochait la tête de dépit en le désignant coupable. Du reste, on s’enquérait assez peu de la vérité et, sitôt que cela était plausible, on désignait du doigt le garçon mal réputé. Ses parents eux-mêmes, du pire, le savaient capable sans qu’on leur eût apporté une preuve de ses agissements déjà condamnés.

Vice caché
Vice caché

Droit dans ses bottes, le sifflet aux lèvres et le képi enfoncé sur la tête, le garde-champêtre vit le gamin tourner à l’angle de la rue vers l’abbaye. De sa main gantée, il frisa sa moustache et décida d’aller voir au plus près. Le gosse s’était arrêté et il fouillait dans ses poches. Le représentant de la loi s’approcha, mit la main sur son épaule, le questionna sur ce qu’il fabriquait là, à une heure proche du dîner. De loin, on vit le garçon répondre quelque chose à l’agent qui, visiblement satisfait, repartit faire le guet.

Vice caché
Vice caché

Il fallait qu’il se décide. Sa mère, chez lui, l’attendait et, à coup sûr, crierait un peu quand il rentrerait. Son père, il ne fallait qu’il soit au courant de l’escapade ou alors, il n’en doutait pas, le savon serait plus fort. Mais ce qu’il redoutait plus encore, c’était ce que son père appelait d’un ton grave les conséquences. Elles seraient terribles pour lui, puisque si l’on découvrait ce qu’il avait fait, on le mènerait au pire endroit où un petit garçon puisse se trouver.

Vice caché
Vice caché

Mais la tentation était trop grande, alors le garçon poussa la porte. Derrière le comptoir, deux ouvrières mettaient dans des boîtes de fer le doux bonbon qu’il était venu acheter. Il en connaissait les secrets : une graine d’anis enrobée de sucre et qui croquait sous la dent à l’ultime moment. Le garçon sortit sa propre boîte, cabossée et dépolie sur laquelle se lisaient encore les lettres de Flavigny. Reprenant sa monnaie, il fila aussitôt. Son père n’était peut-être pas encore rentré.

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